Prix Renaudot 2006 pour Mémoires de porc-épic, Alain Mabanckou est de retour avec Black Bazar, où il réemprunte tout en les (et se) renouvelant les sentiers et la manière de son admirable Verre cassé.

Il prête sa plume et sa voix, son sens de l'autodérision et son regard amusé, sa manière de mêler références littéraires et oralité, son aisance à dire l'essence et l'essentiel des gens en quelques phrases... bref, il prête tout cela à un dandy originaire du Congo-Brazzaville (comme lui) surnommé Fessologue par ses potes - parce qu'il apprécie particulièrement «la face B des filles».

Tiré à quatre épingles malgré sa peine d'amour (sa conjointe, surnommée Couleur d'origine tant sa peau est foncée même si elle est née à Nancy, s'est tirée avec leur enfant), il s'installe au Jip's comme Verre cassé s'installait au Crédit a voyagé à Brazzaville. Là, dans ce bar du 1er arrondissement, il se raconte et raconte la «négraille parisienne» qui fréquente les lieux. Sous des dehors légers, maniant la phrase rieuse et le verbe vif, Alain Mabanckou parle ici littérature et humanité (le tout se mêlant merveilleusement dans les scènes où se côtoient le narrateur et l'écrivain haïtien qu'il considère comme son mentor), déboulonne quelques clichés (moments savoureux en compagnie de l'Arabe dit «du coin» même s'il est installé en face), infiltre le racisme entre Africains (du genre ma peau est plus pâle que la tienne, alors...), et livre en fin de parcours des pages fortes et éclairantes sur le colonialisme. Toujours, avec ce sourire et cette légèreté - qu'il faut décidément prendre au sérieux. 

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BLACK BAZAR

ALAIN MABANCKOU

LE SEUIL, 246 Pages 27,95$

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