Avec, en ouverture, la chute de Satan, et en guise de finale, une scène d'amour rappelant l'origine du monde, ce troisième roman de Fabrice Humbert brille d'une construction virtuose.

La visite du camp de concentration de Buchenwald perturbe un professeur qui développe une obsession autour de la photographie d'un homme, le portrait craché de son père. Cet homme, David Wagner, s'avère être son grand-père, un bâtard né d'une union clandestine et mort dans les camps de concentration. Le narrateur entreprend alors de fouiller la vie de cet ancêtre juif, qui ouvre la boîte la Pandore des secrets de famille et de son propre rapport tortueux à la violence. Il se rend ensuite à Berlin, «à la source du Mal» et tombe amoureux de la petite-fille d'un nazi.

Construit comme un thriller, L'origine du mal mêle les genres et les registres dans une rencontre incendiaire entre l'amour et la mort. Porté par un élan vital, un désir irrépressible de révéler la vérité et de pénétrer les arcanes du mal, le narrateur livre un récit réaliste qui aborde les questions de la mémoire, de la faute et de la justice, d'un point de vue tantôt philosophique, tantôt sociologique, historique ou romanesque. Les scènes d'amour entre David et Virginie, le couple adultère condamné par l'Histoire, sont tout simplement sublimes et forment un contraste surprenant aux côtés des sombres pages sur le nazisme, la vie des prisonniers et le glaçant univers concentrationnaire.

Se promenant à travers les références sur la Shoah, Humbert cite les Primo Lévi, Jorge Semprun, Elie Wiesel et William Styron, sans perdre de vue l'histoire toute personnelle racontée à travers ce voyage cauchemardesque. Porte ouverte sur les dédales de l'inconscient et «l'épineux écheveau des correspondances et faux-semblants historiques», L'origine de la violence traque la transparence au milieu du brouillard.

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L'origine de la violence

Fabrice Humbert

Éditions Le Passage, 316 pages, 34,95$

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