Ça roule du Oster et ce n'est pas austère, c'est aimable, pas franchement comique mais plutôt gai sans être gay car ses phrases (comme son ton narratif) roulent les mécaniques pour séduire la mouquère, mais pas à la bravade, à la galéjade (on en prend, on en laisse); bref, c'est sympa.

Sans ceintures, on roule en Ford depuis Paris vers le Sud; on traverse Lyon, Valence, Villesauve (Villesauve?), Arles, Nice; bref, on va en Corse et ça va sans doute se corser, se dit-on. Il y a trois hommes dans la Ford: le propriétaire de la bagnole qui répond à l'invitation de son ex qui habite Barretone (près de Bastia); son partenaire de tennis depuis trois mois avec qui il n'a pas fait six parties, et un type qu'il ne connaît pas que son partenaire a un peu imposé, ancien funambule reconverti dans la banque.

Ça roule, on se substitue au volant, on n'est pas très volubile et - pendant ce temps-là - une idée trotte dans la tête du narrateur qui va finir par l'obséder: pourquoi son ex lui a-t-elle demandé de mettre dans le coffre la chaise en bois, basse et lourde, qui lui vient de son père? Bien sûr, il n'en parle pas, ce n'est qu'au lecteur qu'il confie sa hantise, un lecteur qui a intérêt à savoir qu'Oster s'est d'abord fait la main dans le polar au Fleuve noir avant de renoncer au recours à toute énigme sensée. Il n'arrive rien dans ce roman, c'est ce qui en fait le charme.

_______________________

Trois hommes seuls

Christian Oster

Minuit, 174 pages

**