En promotion pour Inkheart (Coeur d'encre), le film de Iain Softley mettant Brendan Fraser en vedette et basé sur le premier tome de sa trilogie, Cornelia Funke a pris quelques minutes pour parler de sa passion de la lecture et de l'écriture avec La Presse, à l'occasion de la sortie, en français, de ses trois romans qui rendent hommage à la littérature.

Cornelia Funke est née dans une petite ville d'Allemagne. Elle le dit de telle manière qu'on l'imagine bien grise, cette petite ville. Et triste. Et pluvieuse. Tout le contraire de la romancière lumineuse qui a accordé une entrevue à La Presse, dans un hôtel de Los Angeles, quelques jours avant la sortie sur les écrans de Inkheart - l'adaptation, par Iain Softley, du premier volet de sa trilogie.

 

Enfant déjà, Cornelia Funke ne pouvait imaginer que son monde se limiterait à «ça». Parce que, justement, elle avait trop d'imagination. «Les livres ont été ma porte sur le monde», fait la romancière dont la version française de Inkheart, Coeur d'encre, vient d'arriver en librairie. En septembre, Gallimard Jeunesse publiera sa suite, Sang d'encre; et en janvier, sa conclusion, Mort d'encre.

C'est une excellente nouvelle: ces livres, dans la pure lignée de la fantasy, sont aussi des hommages à la littérature et au pouvoir de la lecture. Parce qu'on y suit un père et sa fille, Mo et Meggie, possédant le don - qui est aussi une malédiction - de faire sortir des pages les personnages des livres qu'ils lisent à haute voix. Un don-malédiction qu'ils ne contrôlent pas et met leurs proches en danger: quand quelqu'un quitte une histoire, quelqu'un de notre monde y est envoyé. C'est ce qui est arrivé à Resa, l'épouse de Mo, la mère de Meggie. Depuis neuf ans, ils tentent de la retrouver dans un livre introuvable.

«Je voulais écrire une histoire qui parle de l'importance... des histoires. Lire à vos enfants est une des activités les plus magiques auxquelles vous pouvez vous livrer avec eux. Vous partez ensemble à l'aventure, vous explorez des mondes enchantés, qu'est-ce qui peut battre ça?» demande celle qui est devenue écrivain «assez tard: j'avais 28 ans».

Elle avait touché à plusieurs métiers, avait été travailleuse sociale, avait commencé à illustrer les livres des autres. Et s'y ennuyait: «Je voulais dessiner des dragons, des chevaliers!» On ne lui proposait que du quotidien, du banal. Elle a donc décidé de les écrire, ses histoires de dragons. A envoyé le manuscrit à quatre éditeurs. Ils l'ont tous accepté. Sa vie n'a plus jamais été la même.

«Je signe aussi une série de chick-lit*, qui connaît un grand succès en Allemagne, mais je reviens toujours à la fantasy. Selon moi, on comprend mieux une réalité à travers une image, une transposition, qu'en lui tendant un miroir. C'est ce que font les contes, depuis la nuit des temps.»

 

Et c'est ce qu'elle fait à présent, à travers ses livres. Parce que si la lecture était une passion, elle s'en est découvert une autre, au moins aussi forte, pour l'écriture: «J'ai beaucoup plus de patience avec les mots qu'avec mes crayons et mes plumes, c'est pour ça que j'ai rapidement cessé de faire de l'illustration. J'en fais encore un peu, à l'intérieur de mes propres livres, pas plus.»

De toute manière, l'écriture l'occupe à temps plein, la comble. Le complexe de la page blanche, elle ne connaît pas - et rougit un peu en l'admettant. «Je deviens extrêmement désagréable si je passe ne serait-ce que deux jours sans pouvoir écrire. Et je peux écrire n'importe où. Donnez-moi un ordinateur et dans deux minutes, je ne suis plus avec vous.»

Elle a trouvé sa place. Flirte à sa manière avec l'aventure à laquelle elle rêvait, enfant: «Je voulais devenir astronaute. Après tout, j'avais exploré les grands espaces par lectures interposées! Mais vous savez quoi? Hier soir, j'ai regardé le début de la nouvelle saison de Battlestar Galactica et j'avoue que s'il y avait eu des choses comme ça dans ma jeunesse, je n'aurais peut-être pas décroché de ce rêve», s'amuse-t-elle.

Il faut dire que Cornelia Funke a le respect des histoires - peu importe leur forme et leur support. «Dans les livres, bien sûr, mais aussi à la télévision, au cinéma. Dans les jeux vidéo, même.» D'où, elle l'avoue, une légère inquiétude: les jeunes d'aujourd'hui sont cernés par les histoires, puisqu'ils s'abreuvent à toutes ces sources. «J'ai l'impression qu'ils perdent de vue la vraie vie en s'immergeant ainsi dans des vies fictives. Ils n'ont plus le temps..., ou ne le prennent plus, d'aller dans la réalité. C'est de cela qu'il faut, je crois, s'inquiéter, plus que du fait qu'ils ne liraient plus. Parce qu'ils lisent.» Et ça, c'est la réalité, pas une fantasy.

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Alliance Vivafilm (New Line).

*NDLR : la chick-lit désigne un genre littéraire pour des ouvrages écrits par des femmes et destinés aux femmes (ex. Le Diable s'habille en Prada).