Certains écrivains s'abreuvent au sublime, d'autres à la banalité du quotidien. Aucun sujet n'est impropre à une bonne histoire, pour autant qu'on sache la raconter. Nicolas Charette fait partie du clan des écrivains hyper-réalistes inspirés par les petits faits anodins, parfois même vils et vulgaires, dont il extrait la chair et la décortique pour créer des morceaux de vie déconcertants de vérité. Dans l'humour comme dans le désespoir, le jeune auteur peint une réalité sans fard avec sobriété, économie de moyens et un penchant pour les finales ouvertes qui laissent libre cours à l'interprétation. Souvent concrètes, les nouvelles décrivent des scènes de la vie très ordinaire, où se vivent les émotions de tous les jours, tout aussi pertinentes à l'analyse humaine que celles qui surgissent dans l'extrême.

 

Dans «Tu sens le boeuf», un gars reçoit son ex-copine à souper, mais l'amorce poétique de leur rencontre éclate rapidement en confrontation grossière, alors que l'ex avoue avoir flirté avec un autre et abandonne l'hôte avec son rôti brûlé. En apparence banale, cette scène de ménage saisit avec subtilité une émotion à fleur de peau, celle d'un homme encore amoureux qui rêve d'une réparation, mais se heurte à une décevante réalité. Il est souvent question d'alcoolisme, de disputes, d'obsessions et de rêves envolés dans Jour de chance. Le recueil de nouvelles radiographie l'homme actuel à travers les tendances à la mode comme le culturisme et le commerce sexuel, mais aussi dans les bonnes vieilles chicanes de couple qui donnent lieu à de savoureux dialogues, crus, amers et justes. Éclectique, cette première oeuvre annonce un auteur à la plume incisive qui dissèque la nature humaine sans en gommer la laideur. Nicolas Charette est un fin prosateur avec une bonne dose d'humour noir et une sensibilité à vif.

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Jour de chance

Nicolas Charette

Boréal, 2008

232 pages, 24,95$

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