Sauf pour certains, nous avons oublié la guerre civile qui faisait rage en Argentine dans les années 1970, une sale guerre entre le pouvoir militaire de droite et la résistance civile. Cette terreur est la toile de fond du Ministère des Affaires spéciales de l'Américain Nathan Englander.

Voilà un roman à la fois comique et prenant. Les premières pages nous entraînent dans la comédie. Le pauvre Kaddish Poznan, de père inconnu, a trouvé du travail au cimetière des juifs, citoyens huppés de Buenos Aires. Ces bonnes familles avaient pourtant des antécédents douteux: un tel a comme ancêtre le roi des maquereaux, la mère de l'autre était la reine des filles de joie. On donne quelques sous à Kaddish Poznan pour qu'il efface des pierre tombales les noms de ces ancêtres qu'on préfère oublier.

 

Mais le tragique rattrape vite Kaddish, et avec raison, car son nom est aussi le nom de la prière pour les morts dans la foi hébraïque. Kaddish a su attirer l'amour de la belle Lillian, qui lui a donné un fils, Pato. Et sous l'influence de ses amis, Pato, étudiant en sociologie à l'université, s'implique de plus en plus dans les mouvements politiques contre le gouvernement de la terreur. L'inévitable se produit: Pato est arrêté avec ses amis et disparaît dans le système carcéral.

Nathan Englander décrit avec beaucoup de justesse l'angoisse des parents devant la perte de leur enfant unique. Le romancier ne va jamais vers le pathos, toujours vers la vérité. Ce qui a commencé dans la comédie ethnique devient une belle méditation sur l'amour parental.

Le Ministère des Affaires spéciales

Nathan Englander, traduit par Elisabeth Peellaert.

Plon, 379 pages,43,95$

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