La menace de payer une amende est loin de convaincre tous les Québécois de rapporter à temps leurs documents à la Grande Bibliothèque (de son vrai nom Bibliothèque et Archives nationales du Québec, ou BANQ). Le géant du centre-ville de Montréal a dû émettre près de 290 000 avis de retard l'an dernier, soit près de 800 par jour, révèlent des données obtenues par La Presse.

La BANQ émet, en cas de retard, trois avis échelonnés sur 21 jours. Les deux premiers se font à l'aide d'un robot qui passe un coup de fil à l'abonné fautif pour lui rappeler qu'il n'a pas respecté la date limite pour rapporter un livre, un CD ou un DVD (quand ce n'est pas plusieurs!). Toutes proportions gardées, c'est le premier appel, fait après sept jours de retard, qui connaît le plus grand succès: plus de la moitié des retardataires rapportent les documents visés à la suite de cette remontrance.

 

Mais les récalcitrants sont nombreux, et le quart des abonnés passent outre aux deux premiers avis. Si bien que, en 2007, la BANQ a dû envoyer par la poste 36 275 avis écrits aux abonnés qui n'avaient toujours pas rapporté leurs documents trois semaines après la date limite.

La BANQ assure que la plupart des factures sont payées rapidement. Mais Daniel Lavallé, croisé devant l'entrée de la bibliothèque, contredit en riant cette affirmation. Il traîne une facture de 18$ «et quelques sous» depuis deux ans. «Je ne suis pas obligé de la payer, car je n'ai pas atteint le seuil de 20$, alors je peux continuer à venir ici toutes les semaines», se réjouit-il.

«On me le rappelle chaque fois que j'emprunte un livre, mais ça ne change rien.» Ou presque, car, depuis, il rapporte ses livres à temps pour éviter d'atteindre le fameux seuil à partir duquel un abonné perd son droit d'emprunt.

«Les gens gardent les documents beaucoup trop longtemps. Ils devraient prendre l'habitude de les rapporter dès qu'ils ont fini de les consulter. J'ai réservé un document il y a un mois et demi en espérant l'avoir pour Noël, mais je ne sais même pas si je l'aurai pour Pâques», grogne quant à lui Samuel Cogrenne.

La BANQ considère que les livres sont perdus s'ils n'ont pas été rapportés après 60 jours et exige alors leur remboursement. «Un certain nombre de documents seront rapportés et la perte des autres sera compensée par les frais déboursés par les abonnés», explique Claire-Hélène Lengellé, responsable des communications de la BANQ.

Au total, du 1er avril 2007 au 31 mars 2008, les Québécois ont payé 659 416$ d'amendes pour des retards ou encore pour des livres perdus ou endommagés. Cette année-là, 2,9 millions de personnes ont emprunté 4,9 millions de documents à la BANQ.

Avec la collaboration de William Leclerc