L'apprenti chevalier, c'est Benjamin, un enfant «plus rapide que l'éclair de sa pensée». C'est celui qui renverse toujours les verres de lait, qui se bat contre des réflexes plus forts que lui, c'est celui que les maîtresses détestent, celui pour qui la vie est toujours en accéléré. Loin d'entrer dans les symptômes cliniques, l'auteure Marie Clark (Le banc) a plutôt choisi de donner la parole au principal intéressé. Narrateur éparpillé, perdu dans ses virgules, Benjamin étale sa logorrhée de page en page dans un flot impressionniste à la Faulkner mais aussi avec la naïveté poétique d'Howard Buten.

Nouvellement introduit dans une école spécialisée (l'enfant entendra plutôt «apprentis chevaliers»), Benjamin y fait bientôt l'apprentissage du courage, celui qu'il faut pour ne pas toujours montrer ses poings (ou l'épée). Conscient de morceler sa famille (le père a quitté le foyer conjugal, trop désemparé devant l'enfant, la mère frôle la dépression, le frère aîné s'abîme dans la drogue tandis que la soeur jalouse le benjamin), le petit apprenti chevalier cherche à concilier toutes les âmes éparses qu'il balaie quotidiennement sans le vouloir.

 

Écrit dans une langue irrésistible et pourtant difficile, ce roman qui prend la forme d'un émouvant soliloque parvient admirablement à traduire la détresse d'un enfant prisonnier de ses maladresses, engoncé dans un cerveau qui lui fait défaut et pourtant trempé de bonne foi. «Ce n'est pas drôle d'être né de la dernière pluie, lancera-t-il, pour toutes les gouttes d'endurance de passé que ça prend.»

Mes aventures d'apprenti chevalier presque entièrement raté

Marie Clark

Hurtubise HMH 105 pages, 18,95$

***1/2