Dresser une liste des nouveaux classiques de la littérature québécoise est un véritable supplice. Tout d'abord, qu'entendons-nous par «classique» de la littérature? Déjà, les points de vue s'entrechoquent et se canardent. Et si l'on oubliait un incontournable? D'ailleurs, où se sont perdus dans nos listes les Mistral, Kokis et Blais? Un supplice, je vous dis.

Néanmoins, il faut se mouiller. Comme le faisait pertinemment remarquer l'un de nos consultants à ce dossier, l'appellation «classique» renvoie tout d'abord à l'enseignement des oeuvres en classe. Le classique, vortex de la transmission? Voici une piste. D'où notre empressement à interroger des professeurs de littérature de cégep et d'université mais aussi de jeunes auteurs qui gardent, au fond de leur encrier, tous ces mots et toutes ces histoires racontées.

Maryse

Francine Noël, 1983

Francine Noël écorche ici toutes les institutions aliénantes, du mariage au milieu universitaire, et signe un véritable portrait social du Québec de l'après mai 68. "C'est un roman d'une grande lucidité, qui jette un regard franc sur les années 1968-75, sur ces années de transformation profonde du Québec contemporain", note Isabelle Boisclair.

Volkswagen Blues

Jacques Poulin, 1984

Un écrivain part à la recherche de son frère Théo, dont il est sans nouvelles depuis longtemps. «Un roman de l'ouverture», comme le qualifie Isabelle Boisclair, puisque l'oeuvre a fait voler en éclat la notion d'identité nationale. «Volkswagen blues est une oeuvre majeure, d'une grande intensité, qui exploite non seulement le thème de l'américanité, mais aussi celui de l'enfance, de la chute du héros et de la recherche du bonheur», résume Aurélien Boivin.

Le souffle de l'Harmattan

Sylvain Trudel, 1986

Deux enfants, deux frères d'aventures, l'un Québécois abandonné à sa naissance et l'autre Africain dénaturalisé, se lient d'amitié et choisissent de préserver l'enfance du monde adulte en entretenant entre les deux statuts un fossé infranchissable. «Sylvain Trudel réinvente le langage. Il gronde en lui une série de personnages-vérité qui vibrent de toute la gamme possible des émotions», soutient Mélanie Vincelette.

La petite fille qui aimait trop les allumettes

Gaétan Soucy, 1998

Deux enfants doivent appréhender le monde où le réel s'entremêle à l'imaginaire à la suite du suicide de leur père. Une langue surprenante qui serpente entre les cailloux de la cruauté. La majorité des oeuvres de Gaétan Soucy a raflé des prix mais c'est La petite fille qui aimait trop les allumettes qui a propulsé l'auteur au rang d'écrivain internationalement reconnu.

Marie-Hélène au mois de mars

Maxime-Olivier Moutier, 1998

Amoureux fou, égaré dans le sentiment, éperdu, Moutier y relate son voyage en enfer à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul avec le lyrisme que permet la littérature, transformant le récit en véritable épopée tragique, créant un Orphée des temps modernes où l'amour a débordé. «Du vertige amoureux à la paternité, Moutier creuse la psyché collective pour produire des livres essentiels à tous les mortels», affirme Mélanie Vincelette.

Carnet de naufrage

Guillaume Vigneault, 2000

Lorsque Marlène quitte Alex, celui-ci se fait emporter par la houle. Une houle de chagrin qui le mènera sur les chemins de l'introspection. Qu'est-ce que l'amour? Une fuite devant le vide de l'existence? Que reste-t-il de nous, après l'amour? La quête du protagoniste suit le courant de la mélancolie jusqu'à ce qu'enfin elle se tarisse.

Nikolski

Nicolas Dickner, 2005

Trois étranges narrateurs se partagent une épopée identitaire qui les mènera à Montréal. «Ce roman dément tous les pires pronostics sur le monde actuel: la fameuse «dérive» identitaire ne mène plus à la catastrophe. Ici, l'avenir est à construire», note Isabelle Boisclair. L'auteur fait également preuve d'une ingéniosité de l'écriture qui contribue au charme de ce récit vivifiant.

Ont été consultés: Marie-Hélène Poitras (écrivain); Mélanie Vincelette (éditrice et écrivain); Hélène Robitaille (écrivain); Aurélien Boivin (professeur de littérature à l'Université Laval et directeur du Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec); Jean-François Chassay (professeur de littérature à l'Université du Québec à Montréal); Isabelle Boisclair (professeur de littérature à l'Université de Sherbrooke).