Comme prévu, la portion plus âgée du public venu à Osheaga s'est massée au pied de la scène de la Rivière pour ainsi se nourrir du plus conceptuel des spectacles rock présentés vendredi. Annie Clark, alias St. Vincent, y a offert une authentique performance audiovisuelle doublée d'un spectacle avant-rock haut en couleur.

En plus de ravir les mélomanes férus d'art rock post new wave (et post-Talking Heads, force est de le constater), l'objet de ce spectacle est de nous faire réfléchir aux notions actualisées de pouvoir féminin, d'identité féminine, de sexualité au féminin, de santé mentale au féminin, entre autres, que suscite le personnage St. Vincent.

Ainsi, la chanteuse et « guitare héroïne » se trouve aux côtés de ses acolytes alignés devant nous. D'un côté, deux femmes dévoilées et haut perchées : St. Vincent et sa bassiste. De l'autre, deux hommes masqués, affublés de perruques blondes et de combinaisons orange, aux claviers et percussions.

On aura tôt fait de constater que la fameuse guitare octogonale de la leader, un design de sa conception, marque Ernie Ball Music Man, est une collection : bleu, rouge, anthracite, jaune, et plus encore !

Vêtue de jambières à talons aiguilles et de tenues moulantes qui prêtent à toutes les interprétations, St. Vincent est constamment dupliquée, triplée, démultipliée sur les écrans géants. 

Des films d'art sont conçus autour de la frontwoman qu'on voit se prendre une baffe, se retrouver perdue devant des fruits dégueulasses, se faire modeler l'expression, et plus encore. Des chorégraphies de femmes en minijupe et bottes écarlates alterneront avec celles d'hommes aussi rougeoyants, vêtus à la manière de ses sidemen. Une ballerine obèse et cyclope s'exprimera aussi en toile de fond...

On aura reconnu plusieurs titres de Masseduction, le plus récent opus de St. Vincent, et quelques autres enregistrés précédemment. La seule chanson interprétée sans guitare sera la dernière avec introduction a cappella, modifiée pour nous : au lieu d'entonner New York d'entrée de jeu, elle nommera courtoisement Montréal avant de nous ramener dans la Grosse Pomme. Jolie navette !

Essaie pas... de séduire Osheaga

Drôle d'idée que de programmer Essaie Pas un après-midi à Osheaga... Les 16-24 ans qui fréquentent ce festival ne connaissent pas ce sous-genre défendu par le tandem montréalais, fort intéressant au demeurant, qui plaît à des publics plus pointus - on pense à Mutek et autres événements plus relevés artistiquement. Après tout, Osheaga n'est-il pas le terrain de jeu du nouveau mainstream ? Devant un parterre clairsemé (un euphémisme) au pied de la scène des Arbres, Marie Davidson et Pierre Guérineau ont semblé comprendre la situation et s'adapter au contexte ; plutôt que de s'en tenir à une relecture fidèle de leurs chansons, ils ont préféré balancer de longs grooves technoïdes à la manière d'un concert de musique électronique, et n'ont repris que quelques éléments de leurs chansons ; on aura notamment reconnu Retox, avant de se laisser de nouveau entraîner dans ce chaos organisé de rythmes de synthèse et fréquences électroniques, dont l'objet est de brûler par le froid. Présentées en plein jour, ces musiques ne sont-elles pas plutôt conçues pour la pénombre ? Ne s'adressent-elles pas à des oreilles plus averties ? Juste à côté, dans la Serre Perrier, on a noté que le très doué DJ, producteur et compositeur américain Machinedrum a connu un sort similaire...

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le tandem montréalais Essaie Pas a penché du côté musique électronique et n'a repris que quelques éléments de ses chansons.

Julien Baker: place à la power ballade... indie!

La scène des Arbres est ceinturée de bruit (émanant des autres spectacles) plutôt que d'arbres, mais bon... il faudra faire avec, lorsque la proposition est aussi intimiste que celle-ci. Il est 15 h 25, deux jeunes femmes se présentent vêtues de noir, un peu perdues sur la surface. La violoniste esquisse quelques lignes mélodieuses pendant que son employeuse s'échauffe. Julien Baker, mesdames et messieurs. Menue, filiforme, d'allure presque fragile, elle aura tôt fait de faire exploser ses power ballades... indies. Bien écrites, puissamment entonnées, les tripes sur la table, beau concept de boucles de textures électroniques en surimpression aux mélodies et harmonies du clavier ou de la guitare. Cette jeune femme n'a pas fini de faire parler d'elle ! Et on décolle avec Julien Baker... jusqu'à ce que la sono fasse défaut. Il faudra attendre de longues minutes avant que le personnel technique ne remédie à la situation. L'artiste grattera alors très fort sa Telecaster bleue et projettera très fort le refrain et les ponts de Rejoice, Shadowboxing, Sour Breath et autres Turn Out the Lights. À revoir assurément !

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Menue, filiforme, d'allure presque fragile, Julien Baker a balancé ses power ballades... indies.