En 2015, Julien Rose Baker a lancé Sprained Ankle, premier album autoproduit. Très rapidement, elle s'est acquis une cohorte de fans fervents, ce qui l'a menée chez le label indépendant 6131 Records.

Son indiscutable talent à créer et interpréter de puissants hymnes folk, mâtinés d'ambiances indie rock, lui valut une mise sous contrat chez Matador Records, sous lequel elle a lancé Turn Out the Lights. Viscéral, direct et fort bien écrit, voilà assurément un des meilleurs opus de chanson anglo-américaine de 2017.

Originaire de Memphis et transplantée à Nashville, Julien Rose Baker n'aura que 23 ans en septembre prochain. Une vieille âme s'exprime : sagesse du ton, force de l'évocation, poids des mots, des sons, tourments de la croyance chrétienne et de l'identité sexuelle (gaie), assomption des contradictions personnelles et autres observations pertinentes distillées en poésie consonante.

« J'ai commencé à jouer de la guitare à 12 ans, à écrire des chansons l'année suivante. J'ai passé des heures à apprendre à en jouer et en créer, d'abord en jouant celles des autres », dit-elle.

« Jusqu'aux études collégiales ou universitaires, je n'avais aucune notion de théorie musicale. J'ai joué de la guitare en reconstituant les accords une note à la fois ! »

- Julien Rose Baker

« Je n'avais qu'une compréhension très partielle du jeu, des modes et tonalités. À l'oreille, j'ai appris à observer ce qui sonne bien et ce qui sonne moins bien », rappelle cette jeune femme courtoise et généreuse.

Sa trajectoire scolaire est celle de plusieurs auteures, compositrices et interprètes.

« Au collège, j'ai d'abord étudié pour devenir ingénieure du son et réalisatrice. J'ai appris à me servir de l'équipement et même le réparer. J'ai aussi suivi des cours de théorie musicale et puis j'ai bifurqué vers des études de lettres. J'ai étudié la littérature anglaise et espagnole, et l'enseignement des langues... avant de décider de faire des chansons à temps complet lorsque j'ai eu la chance de tourner. »

« PATIENCE, DÉVOUEMENT ET PASSION »

À 16 ans, elle était guitariste au sein du groupe Forrister, ce qui lui permit de prendre le pouls de la scène. Étudiante à la Middle State Tennessee University, elle a alors constitué un corpus de chansons l'ayant menée à la sortie d'un EP puis de l'album Sprained Ankle. Dès lors, elle s'est mise à tourner seule et assurer les premières parties, entre autres, pour Frightened Rabbit, Death Cab pour Cutie, Belle & Sebastian, Paramore, Phoebe Bridgers, Half Waif.

« J'étais déjà à l'aise à la guitare et je savais comment enregistrer et sonoriser convenablement un spectacle sur scène, ou même solutionner plusieurs problèmes techniques. Pour développer mon talent, j'ai réalisé qu'il fallait patience, dévouement et passion. Ma motivation première consiste à me contenter de l'autogratification que procure l'acte de création. Il faut maintenir cette motivation intérieure qui me permet de poursuivre la démarche. »

Élevée dans un environnement chrétien tolérant et ouvert, propice à la curiosité littéraire et musicale, Julien Baker s'est autorisée à créer.

« Ma façon de transcrire le monde dans une langue poétique a sûrement quelque chose à voir avec ce cheminement personnel et scolaire. Ainsi, j'ai d'abord exploré mon intériorité dans mon premier album, puis mes propres sentiments et pensées intimes ont été complétés par un travail d'auteur. Le miroir du narrateur reflète l'esprit d'autres personnes. »

« Lorsque tu peux entrer dans l'esprit des autres et présupposer leur état, cela te rend non seulement empathique, plus sage émotionnellement, mais aussi un meilleur auteur. »

- Julien Rose Baker

VISER L'ÉQUILIBRE

Sur la route, elle a écrit Turn Out the Lights en cumulant notes, fragments mélodiques et progressions harmoniques. Elle a écrit sur la distance qui sépare les individus, la solitude relative des humains, les conflits intérieurs, les capacités de chacun à vaincre l'adversité, l'apaisement que procure l'acceptation de l'échec, les émotions réelles et légitimes de chacun, sur l'assomption de ses propres normes et non celles imposées. Bref, l'imaginaire de Julien Baker est celui d'un être libéré d'un environnement conservateur du Deep South américain.

Sur scène, elle opte pour un minimalisme accru par rapport à ses enregistrements.

« La violoniste Camille Faulkner et moi sommes seules sur scène. La nature des chansons commande cette simplicité. Je tiens à mettre l'accent sur les mots plutôt que sur l'éclat que suscite l'instrumentation. Ayant joué de la guitare dans des groupes - et je sais que l'instrumentation peut modifier les perceptions -, ça peut altérer la conversation musicale lorsque vous incorporez plusieurs musiciens. »

Julien Baker vise néanmoins un équilibre entre musique, voix et texte.

« Je veux que chaque dimension d'une chanson serve les autres, en soit le complément. Honnêtement, c'est à l'artiste de déterminer ce qui doit être proéminent. Ça importe, peu pourvu que tu saches ce que tu veux communiquer. Personnellement, je veux mener l'auditoire vers ma matière en solo... mais je compte augmenter mes effectifs au prochain chapitre. »

Éteignez les lumières, Julien Baker s'amène sous le soleil d'Osheaga.

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Scène des Arbres, vendredi, à 15 h 25