Le trio de rap-rave sud-africain Die Antwoord, dont la vulgarité et l'attitude gangsta ne siéent pas à tous les publics, était en territoire conquis dimanche à Osheaga, où une foule dense piaffait d'impatience 20 minutes avant le début du spectacle, étape montréalaise du Love Drug World Tour.

Après une longue intro inquiétante de DJ Vuilgeboost, sibyllin derrière son masque et posté au sommet d'une pyramide de trois étages qui triplait l'espace scénique, le truculent et tout tatoué Ninja est apparu dans un pantalon orange aux inscriptions katakanas. Yo-landi Vi$$er a suivi pour inaugurer cette heure viciée et hypersexuelle avec We Have Candy, du plus récent Mount Ninji and Da Nice Time Kid.

La formation controversée du Cap a visité à parts quasi égales ses quatre albums studio, mais en évacuant l'afrikaans : Fatty Boom Boom, Ugly Boy, I Fink U Freaky - insufflé de trap - et l'incontournable tube électro Baby's On Fire ont soulevé la liesse et les chaussures du public. 

Aucun groupe ce week-end n'a autant utilisé les écrans géants pour passer leur message : des références au pop art, des animations phalliques ou carrément pornos et des images de couteaux et des pistolets. Accompagnés de deux danseuses, le fougueux duo de chanteurs a aussi multiplié les costumes, du simple caleçon aux couleurs de The Dark Side of the Moon à un manteau clinquant aux reflets dorés.

En rappel, en plus d'Enter The Ninja, Die Antwoord a chanté I Don't Care devant le mot ZEF en lettres géantes, conclusion parfaite pour résumer cette contre-culture dont le trio se revendique : adopter avec fierté le n'importe quoi et le mauvais goût.

- Charles-Éric Blais-Poulin

Tegan and Sara : Blousons noirs et gomme balloune

C'est une des conversions étonnantes de la musique récente. Il y a une dizaine d'années, les jumelles Quin étaient connues pour leurs voix plaintives qu'elles plaquaient sur un folk rock simple mais efficace. Rien à voir avec les mélodies aux inspirations 1980 et 1990 que les frangines ont offert dimanche sur une scène aux couleurs bonbon.

Depuis l'album Heartthrob, Tegan et Sara ont troqué la guitare électrique pour l'électro pop. Le but avoué était de gagner en popularité, et le pari a été remporté. Or, la démonstration à Osheaga n'a pas été des plus concluantes. Il convient de souligner que Tegan a été desservie par un micro capricieux, ce qui embêtait visiblement l'interprète.

Les dames en noir ont effectué des allers-retours dans leur discographie, en commençant par Back in your Head, tirée de The Con. Mais trempée dans cette nouvelle sauce «gomme balloune», ce souvenir d'une autre époque s'apparentait presque à une comptine. Il a fallu attendre les tubes Boyfriend et Closer, gardées stratégiquement pour le dessert, pour que le public s'agite enfin. Dommage. 

- Marie Bernier

PHOTO ULYSSE LEMERISE, COLLABORATION SPÉCIALE

Tegan et Sara.

The Lemon Twigs : délicieux délire rock

Ses membres ont à peine vécu deux décennies, mais The Lemon Twigs, de Long Island, explore à fond la nostalgie sixties pour en extraire la matière glam rock et l'urgence scénique. En outre, les frères D'Addario, solides multi-instrumentistes au coeur d'un puissant buzz, transcendent leurs influences (The Beatles en tête) par des mélodies, des instrumentations et des harmonies ingénieuses.

L'amorce s'est faite dimanche avec I Wanna Prove to You, premier titre de Do Hollywood, seul album du quatuor complété sur scène par Danny Ayala (clavier) et Megan Zeankowski (guitare électrique). Brian, cheveux aux épaules et parfois devant les yeux, s'est avancé au micro le premier, notamment pour la plaintive et non linéaire Haroomata et les puissantes harmonies de Why Didn't You Say That, extraite d'un EP à paraître en septembre. Dernier tour de chant du cadet avec These Words, qui s'ouvre en douceur puis nous entraîne dans un crescendo de guitares et de claviers, doublé d'une riche explosion psychédélique.

Jusque-là à la batterie, Michael, torse nu chétif et visage blanchi façon Marilyn Manson, a pris le relais pour nous inviter à une quiète ballade, How I Am Lucky, chantée en duo avec Danny Ayala, qui a prêté en retour son instrument à Brian. Le frère aîné, déchaîné, a conservé le micro pour le simple Night Song, aux guitares extatiques et aux effluves heavy metal.

Délirium sur scène, délire au plancher. Solide coup de coeur pour The Lemon Twigs, dont l'énergie scénique et le nouveau matériel risquent de transformer un buzz niché en véritable phénomène mondial.

- Charles-Éric Blais-Poulin

PHOTO ULYSSE LEMERISE, COLLABORATION SPÉCIALE

Brian D'Addario.

Phantogram : planer en noir et blanc

Introduit par une lourde caisse claire, le duo électro-rock de New York Phantogram s'est avancé sur scène devant une foule compacte et gagnée d'avance. Il a toutefois fallu attendre la troisième pièce, Run Run Blood, pour secouer les hanches les plus réticentes.

«Le son n'est pas assez fort», a critiqué Sarah Bartel, chanteuse magnétique et guitariste douée, tout de blanc vêtu, à l'image de son instrument. À sa gauche, son partenaire Josh Carter, en t-shirt noir, semblait plutôt effacé entre deux déclarations d'amour à Montréal. Les vêtements des deux musiciens accompagnateurs, un claviériste et un batteur, autant que les images d'arrière-plan, rappelaient cette dichotomie de couleurs d'inspiration rétrofuturiste. 

Malgré un concert honnête, construit à partir d'un répertoire éclectique de trois albums, la dream pop de Phantogram, souvent atmosphérique, recèle un pouvoir de contagion limité dans un contexte de grand festival. Calling All, Fall In Love et l'électrisante You Don't Get Me High Anymore, en finale, auront toutefois réussi là où d'autres pièces ont échoué : convaincre les néophytes de planer en noir et blanc.

- Charles-Éric Blais-Poulin

PHOTO ULYSSE LEMERISE, COLLABORATION SPECIALE

Phantogram à l'oeuvre.