La jeune chanteuse néo-zélandaise Lorde, qui avait dû interrompre son concert après quelques chansons en raison du mauvais temps jeudi au festival Lollopalooza de Chicago, a dû se demander si le mauvais sort s'acharnait sur elle quand elle est arrivée à Montréal vendredi. Qu'à cela ne tienne, elle n'allait pas laisser la pluie, qui a fait la loi pendant l'essentiel de son concert de plus d'une heure vendredi soir, gâcher la fête à Montréal.

La tête d'affiche de la première journée du festival Osheaga a donc pu se produire sur la scène de la Rivière au terme d'un marathon de concerts qu'un orage et de fréquentes averses ont un peu chamboulé.

Lorde a eu plus de chance qu'Angel Olsen dont le spectacle a été annulé à cause de l'orage qui sévissait dans l'île Notre-Dame en milieu d'après-midi et que les artistes de hip hop américains De La Soul et Noname qui n'ont pas pu atterrir à temps à Montréal en raison des conditions météorologiques. Les Anglais de London Grammar ont dû écourter leur prestation et quand le soleil s'est enfin pointé, la chanteuse Hannah Reid s'est fendue d'un large sourire et son public qui avait bravé la pluie battante pour l'entendre a exulté.

À 17 ans, Lorde avait déjà joué sur une des scènes principales d'Osheaga en 2014, entre les Replacements et Arctic Monkeys. Consacrée vedette instantanée par son premier album Pure Heroine, elle s'était extasiée devant le cadre champêtre de l'île Ste-Hélène. Vendredi, elle n'a pas dit mot sur le site temporaire d'Osheaga dans l'île Notre-Dame, où les deux grandes scènes se font face là où courent habituellement les bolides de la F1. Mais si elle avait pu se rendre jusqu'à la scène secondaire de la Vallée plus à l'ouest du site, elle aurait constaté qu'Osheaga n'a pas renoncé à la verdure.

Si Lorde a dit et répété mille et une fois à ses fans montréalais combien le concert d'il y a trois ans l'avait comblée, il y a fort à parier qu'elle se souviendra tout aussi longtemps de celui de vendredi. 

Quand les lumières de la scène se sont éteintes, on a entendu Kate Bush, sans doute une source d'inspiration, chanter Running Up That Hill puis Lorde s'est amenée sur scène dans sa longue robe blanche en tenant un parapluie dont elle s'est rapidement débarrassée. Chanter et danser sous la pluie tient de la sorcellerie et ne lui déplaît pas du tout, a-t-elle dit en ajoutant «je suis votre sorcière blanche».

Eh bien, la sorcière s'est mise au diapason de ses braves fans détrempés. Alors que l'équipe technique improvisait un ballet de balais entre chaque chanson en essayant en vain d'assécher la scène, Lorde a demandé qu'on lui apporte une serviette blanche sur laquelle elle s'est assise au bord de la scène pour chanter Liability, faisant fi de la pluie qui lui mouillait les jambes et ruisselait sur ses cheveux et son visage illuminé. Plus tard, elle allait même descendre parmi les spectateurs, serrant des mains en esquissant quelques pas de danse.

À 20 ans, Lorde a lancé cette année un deuxième album dont le titre Melodrama annonce un programme pas très rigolo. Elle a dit à son public que c'était un témoignage féminin carburant à l'émotion. Et parce qu'elle sait bien faire les choses, elle a chanté pour la toute première fois avec son guitariste une chanson de la Montréalaise Martha Wainwright, Bloody Motherfucking Asshole qui, dans sa colère et sa volonté d'affirmation, rejoint le propos qu'elle veut exprimer dans ses chansons pop aux accents électro.

Lorde a pris du galon depuis trois ans. Elle habite une scène comme peu d'artistes qui ont deux fois son âge et la présence de la demi-douzaine de danseurs qui gravitent autour d'elle est tout à fait superflue. Son énergie contagieuse et ses chorégraphies endiablées suffisent.

Vendredi, la sorcière blanche n'a pas fait cesser la pluie. Avec son public, elle a fait mieux elle l'a vaincue.



- Alain de Repentigny



Rag'n'Bone Man: gospel, rock et groove


On a déjà dit de Rag'n'Bone Man qu'il pourrait chanter un bottin téléphonique et malgré tout parvenir à y insuffler de l'âme. Vendredi soir, on a cru que la voix chaude et rocailleuse du colosse avait du moins le pouvoir de faire cesser la pluie, qui s'était remise à inonder les festivaliers juste avant sa prestation. Accompagné de quatre musiciens et d'une choriste, le phénomène britannique a offert son répertoire gospel, armé de rock pour l'occasion.

Mais c'est surtout lors de son interprétation sentie de Skin, avec un clavier pour seul instrument, qu'il a montré l'étendue de son talent, toujours avec cet indéniable groove.

- Marie Bernier



Sampha: béni des dieux

On se doutait que Sampha Sisay était né sous une bonne étoile, lui qui a travaillé avec les Kanye West, Beyoncé, Solange et Drake. On en a désormais la certitude. Les cieux qui avaient pissé de la pluie se sont éclaircis le temps qu'il livre ses 45 minutes de musique en fin d'après-midi sur la scène de la Vallée. 

Pour un spectateur qui a crié «Ça va les tounes d'amour!» pendant Plastic 100 °C, ils étaient des centaines à goûter aussi bien la ballade piano-voix (No One Knows MeLike the Piano, que n'aurait pas reniée le jeune Elton John, que ses chansons entraînantes de l'irrésistible Blood On Me à la moins récente Without, tout en percussions. 

Ce jeune public a évidemment applaudi Too Much, associée à Drake, mais il a chanté avec l'artiste à la voix de tête la plupart des chansons de son unique album Process. Très réussi.

- Alain de Repentigny

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

Sampha

Belle and Sebastian: pop ensoleillée

Quand Belle and Sebastian s'est pointé sur la scène de la Vallée à 18h30, Osheaga est passé à une autre étape: le groupe écossais à géométrie variable mené par le chanteur Stuart Murdoch aurait droit à une heure complète et à des projections de petits clips sur l'écran derrière.

Belle and Sebastian mise sur une pop ensoleillée, fort bienvenue vendredi, et sur des harmonies vocales et des rythmes qui font paraître hop-la-vie des textes qui ne le sont pas toujours.

Murdoch chante, danse, descend serrer des mains et parle, parle et parle encore de tout et de rien, de Trump à son avion qui a fait du surplace avant d'atterrir à Montréal-les bains. Le public, clairsemé, lui a réservé un accueil poli comme si, après 20 ans de carrière, Belle et Sebastian était déjà un peu vieux pour les festivaliers d'Osheaga.

- Alain de Repentigny

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

Belle and Sebastian

La leçon d'anatomie de Tove Lo

D'abord, les préliminaires: un sexe féminin stylisé, symbole de Tove Lo, projeté sur l'écran géant de la scène de la Rivière. Puis, le grand jeu: mouvements lascifs, entrejambe empoigné, la Suédoise Tove Lo n'a ménagé aucun effort pour allumer la foule.

Empêtrée dans des ponchos multicolores, cette dernière s'est d'abord montrée plutôt timide devant ces avances appuyées. Il faut dire que la chanteuse blonde n'avait pas choisi ses morceaux les plus connus pour réchauffer l'ambiance. Ce n'est vraiment qu'après trois pièces, et avec Say It, mégasuccès du DJ Flume auquel elle prête sa voix, que les festivaliers ont semblé se rappeler qu'ils étaient aussi là pour danser.

Coup de chance, c'est le moment où le soleil est parvenu à percer les nuages, et les imperméables ont laissé place aux tout petits corsages des demoiselles, manifestement l'accessoire tendance du festival cette année. « Oh, je pense que vous êtes maintenant prêts pour celle-là », a lancé Tove Lo, taquine, qui a poursuivi avec l'explicite Talking Body. Et la voilà qui relève son t-shirt pour révéler ses seins -  question d'appuyer les paroles, sans doute. C'est avec Habits que l'artiste a clos le spectacle, mais sa voix était pratiquement enterrée par la clameur de la foule. Signe qu'elle a finalement été satisfaite. 

- Marie Bernier

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

Tove Lo