Rome ne s'est pas construite en criant «Lapin» je ne boirai pas de ton eau pour rependre ce savoureux proverbe mashup du capitaine Patenaude - Dans une galaxie près de chez nous, il va sans dire! Dans le cas qui nous occupe, ni ville ni mythe; Rone prend un n et désigne le Français Erwan Castex, 33 ans, artiste technoïde très en vue chez les cousins et plus encore.

Voyons la trajectoire de cette construction, ces chemins qui mènent à Rone. Un coup de téléphone s'impose avant la grande traversée du musicien vers le MEG et Osheaga, nous y voilà. Laissons-le se présenter:

«J'ai commencé la musique tout petit. Un peu de piano, un peu de saxophone, plusieurs instruments... Lorsque j'ai découvert les synthés et les ordinateurs, j'ai eu un gros coup de foudre. [...] Je me suis alors mis à faire des petits morceaux comme ça, mais sans l'ambition d'en faire une carrière.»

Études de cinéma, en fait: «J'ai fait plein de métiers différents dans ce secteur, j'ai même réalisé des petits films, mais bon je n'en suis pas très fier... Lorsque je faisais du montage sonore cependant, j'adorais mettre la musique sur des images. Et ma propre musique, c'était pour le plaisir... puis un label m'a repéré et voilà, je ne fais que ça.»

En 2008, Erwan Castex a lancé Bora, premier maxi sous étiquette Infiné (Agoria en est cofondateur), c'était parti et bien parti. À son actif depuis lors, cinq maxis et deux albums, dont le très prisé Tohu Bohu, paru en 2012 chez Infiné. L'opus a récolté les meilleures notes de la presse électro en France, avec en prime l'imprimatur du prestigieux Resident Advisor.

Pourtant... musicien autodidacte, Rone a un peu souffert du syndrome de l'imposteur. Syndrome dont il s'est soulagé.

«J'ai été complexé de travailler avec de «vrais» musiciens, confie-t-il. Je n'ai pas fait de conservatoire, je sais à peine lire une partition de musique. Un jour, je me suis retrouvé à avoir du mal à donner le la à un violoncelliste et... progressivement, nous avons trouvé notre propre langage. [...] Ainsi, je me suis débarrassé de ce complexe, car j'ai réalisé que c'était une autre manière de faire de la musique.

«J'ai appris seul et c'est ce que j'aime bien dans la musique électronique. Même s'il commence à y avoir des écoles pour l'enseigner, c'est l'absence de règles qui m'y a attiré. Je ne suis pas contre l'idée d'apprendre les règles de la musique instrumentale... et je n'en vois pas l'urgence. Entre-temps, il y a des choses à inventer, des passerelles à créer entre la musique instrumentale et la musique faite avec les machines. C'est pour ça que j'adore bosser avec des instrumentistes, cela m'est très enrichissant.»

Rencontres

Ainsi, Rone a enregistré avec le violoncelliste Gaspar Claus et l'électro-jazzman Bugge Wesseltoft, pour ne nommer que ceux-là. «Il y a eu beaucoup de rencontres sur la route. À Berlin, où j'habitais, plusieurs amis musiciens passaient au studio, parfois ça débouchait sur un enregistrement ou sur un concert. Aujourd'hui, cependant, je suis sans domicile fixe...»

Pourquoi donc quitter Berlin, capitale européenne de la musique électronique? «J'y ai passé trois années magnifiques. J'y ai fait l'album Tohu Bohu. J'y avais débarqué après avoir fait mon premier album à Paris (Spanish Breakfast), très facilement et très naturellement. Et puis je fus un petit peu bloqué pour le suivant. J'ai pensé alors qu'il me fallait bouger. Je me suis installé à Berlin et le deuxième album est sorti tout seul. Et là, puisque j'attaque le prochain album et je commence à avoir mes petites habitudes, il me faut bouger encore.»

Les références de Rone? «Lorsque j'étais à Berlin, je découvrais toute la production allemande pour laquelle j'ai beaucoup de respect. Froide, envoûtante... Mais je réalise que j'ai reçu une plus grande influence du son anglais. [...] J'ai aussi en tête les premières moutures de Ninja Tune, de France, des artistes qui m'ont aussi marqué. Et il y a la techno de Detroit. Je suis une éponge! J'absorbe tout ça et je recrache à ma manière.»

Nouvel album

Le nouvel album de Rone est à l'étape préliminaire et s'ajoute à un carnet de commandes bien garni - musiques de films et autres collaborations. Il ne veut pas le dire tout haut, mais un projet commun avec le célébrissime Jean Michel Jarre est en voie de se concrétiser. Et l'on ne compte pas son travail récent auprès du groupe américain The National.

«Ça s'est passé par l'intermédiaire de Bryce Dessner, lors d'un concert informel à Brooklyn où nous partagions le même plateau. [...] Un an plus tard, il m'a appelé pour travailler sur le nouvel album (Trouble Will Find Me). Et m'a demandé de passer en studio.»

Ce week-end, Montréal est aussi un chemin qui mène à Rone: «J'y jouerai ma propre musique, surtout les morceaux un peu réinventés de Tohu Bohu. Je voyage assez léger: un ordinateur et trois machines.»

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Dans le cadre de MEG Montréal, Rone se produit ce soir, 22h, à la SAT. Dans le cadre d'Osheaga, il joue demain au parc Jean-Drapeau, 13h45, scène Piknic Electronik.