S'il ne faut nommer qu'une grande voix masculine de la Guinée moderne, il faut retenir Sékouba Diabaté, dit Bambino.

Le nouveau lauréat du prix Nuits d'Afrique pour la Francophonie 2018 est le clou de la programmation extérieure du festival.

Créé en 2016, ce prix est décerné à un « artiste au rayonnement international qui incarne une vision rassembleuse de la Francophonie ». 

Il souligne en outre « le rôle important que Sékouba Diabaté a joué, notamment dans le rayonnement et la modernisation de la culture mandingue, en plus d'influencer plusieurs générations d'artistes africains dans l'Espace francophone international ».

« C'est un grand honneur pour moi, qui s'ajoute à mon rôle d'ambassadeur de l'UNICEF pour les enfants du monde, confié tout récemment. Ce prix couronne une relation solide avec le festival Nuits d'Afrique, amorcée il y a plusieurs années avec différentes formations », commente le chanteur, visiblement ravi de passer la fin de semaine à Montréal et d'être la tête d'affiche de la soirée de clôture de l'événement.

Sékouba Diabaté est natif de Kintinya, dans les environs de Siguiri, en Haute-Guinée. Il est issu d'une famille de griots, c'est-à-dire qu'il appartient à cette caste multicentenaire de chanteurs, musiciens, conteurs et gardiens de la tradition mandingue en Afrique de l'Ouest.

« On ne devient pas griot, on naît griot », rappelle Sékouba, fier de l'être.

« Mariama Samoura, ma mère, n'était pas griote, mais elle était une chanteuse connue. Quant à moi, j'étais dans la musique à temps complet dès l'âge de 12 ans. »

- Sékouba Diabaté

Il semble que le paternel redoutait que Sékouba devienne chanteur et... fiston n'en fit qu'à sa tête. Plusieurs formations de Siguiri avaient accueilli le jeune soliste, qui eut tôt fait de se tailler une réputation dans le pays entier.

Sous les pressions du président Sékou Touré, personnage controversé, il intégrait les rangs du Bembeya Jazz, orchestre national soutenu par l'État guinéen depuis l'aube des années 60. Puisqu'il était le très jeune chanteur d'un groupe d'hommes, on lui colla le sobriquet Bambino... qu'il conserve encore aujourd'hui à 54 ans.

« J'ai fait le Bembeya et j'ai ensuite décidé de mener une carrière solo. Je suis en solo depuis la fin des années 80, sauf ma participation au projet Africando à partir de 1997, un projet parallèle de salsa à l'africaine. J'avais alors accepté cette proposition d'Ibrahim Sylla, mon producteur malheureusement décédé. »

EUROPE ET AFRIQUE

Moins connu en Amérique du Nord que les Youssou N'Dour, Salif Keïta et Tiken Jah Fakoly, Sékouba Diabaté vit « entre Paris et Conakry ».

« Du printemps à l'automne, je suis en Europe et en Occident, puis en Afrique de l'automne au printemps. Mon rayonnement en Amérique du Nord est plus discret, c'est vrai... chaque continent a ses réalités ; mon producteur étant établi en France, il m'a surtout fait travailler en Europe et en Afrique. Mais ce n'est pas terminé, je crois que ça va venir ! »

Les plus récents albums solos de Sékouba Diabaté remontent à 2012. Diatiguyw et Innovation sont des mélanges consensuels de musiques mandingues modernes et afro-antillaises. Le prochain album est en chantier, indique le chanteur. « Nous devons finir les maquettes et ensuite choisir un producteur, si Dieu le veut. »

S'inscrivant parmi les meilleurs chanteurs d'Afrique de l'Ouest, le musicien choisit une discrète actualisation de la musique moderne mandingue, pop traversée aujourd'hui par les musiques panafricaines, mais aussi cubaines, haïtiennes, martiniquaises ou guadeloupéennes.

« Je travaille encore sur les bases de la musique ouest-africaine des années 80 et 90, mais je travaille avec de jeunes musiciens qui apportent leur sensibilité, leur couleur, leur présence, leur contribution. Et puisqu'ils écoutent tous du hip-hop, du R&B, du reggae ou du jazz, ça s'entend subtilement dans leur jeu. »

Sékouba Diabaté insiste en outre sur l'existence de spécificités de la pop guinéenne : 

« À Conakry, on préfère souvent la guitare à la kora, on joue les djembés d'une manière spécifique (sans baguette), le balafon est aussi un instrument central. Bien sûr, nous aimons aussi la cohabitation entre instruments traditionnels et modernes. En concert, toutefois, j'inclus personnellement la kora et le n'goni ; toute l'Afrique de l'Ouest est donc représentée. À Montréal, nous serons onze sur scène. »

Ses musiciens, indique-t-il, sont majoritairement guinéens. Il compte même sur deux formations distinctes, l'une en France, l'autre en Guinée, question d'éviter les déplacements... et les problèmes de visa pour entrer en Occident.

« Je suis à Montréal avec mon groupe de Paris. Je travaille avec ces musiciens depuis longtemps. Nous offrons ensemble un spectacle varié ; nous présentons d'abord Sékouba en tant que griot, puis en tant que chanteur d'Africando, puis en tant qu'artiste solo. Soyez assurés qu'il y aura beaucoup de mélanges entre musique moderne et musique mandingue ! »

Au Parterre du Quartier des spectacles, dimanche, 21 h 30

Photo fournie par Nuits d'Afrique

Sékouba Diabaté, dit Bambino