Invitée à se produire aux Nuits d'Afrique, la chanteuse franco-algérienne Djazia Satour nous présente cinq facettes de sa personne, de son parcours et de son art.

LA GESTATION

Djazia Satour est née à Alger, elle y a grandi jusqu'à l'âge de 9 ans. Elle y revendique un métissage entre cultures kabyle et arabe.

« J'ai un grand-père kabyle, une partie de ma famille vient de Kabylie. Et quand on est kabyle, on est forcément algérien... Je ne parle pas kabyle, ce qui est dommage, mais ça fait partie de mes origines. Après des siècles de vie en commun, en fait, difficile de dire que nous ne sommes pas mélangés... Surtout lorsqu'on vit à Alger. »

On devine que l'enfance et la jeunesse de Djazia Satour ont été baignées par la culture nationale :

« Mes parents écoutaient beaucoup de chaâbi, El Hadj M'hamed El Anka et plusieurs autres artistes algériens qui m'ont traversée du coup, sans compter plusieurs musiciens et chanteurs issus du Moyen-Orient ou encore de culture arabo-andalouse. J'ai ensuite découvert moi-même des chanteurs comme Dahmane El Harrachi, El Hachemi Guerouabi. Cette culture existe en vous comme un monde parallèle, même si je suis arrivée très jeune en France, soit dans la région de Grenoble. Je n'étais alors âgée que de 9 ans, mais... l'enfance demeure une partie constitutive de la personne. »

L'ÉCLOSION

Amazigh Kateb, fils du célèbre écrivain algérien Yacine Kateb, est le demi-frère de Djazia Satour. Chanteur et artiste central de la formation Gnawa Diffusion, il l'avait recrutée toute jeune pour assurer aux choeurs de la formation, soit durant toute son adolescence :

« J'allais au lycée, mais je fus choriste de l'âge de 15 ans à 19 ans. Ce fut pour moi une formation accélérée, mais j'ai beaucoup appris de ce milieu. Ça m'a permis d'y mettre les pieds, d'en connaître les rouages et de cumuler une expérience intéressante. De plus, c'était une aventure humaine et authentique, Gnawa Diffusion était et demeure un beau concept de fusion - dub, gnawa, électro, hip-hop, etc. »

Après Gnawa Diffusion, Djazia Satour a pris part au groupe MIG. L'aventure a duré six ans, trois enregistrements en témoignent : maxi sans titre (2001), albums Dhikrayat (2004) et Yamatna (2006).

« Ce groupe mélangeait le trip-hop, l'électro et les musiques acoustiques à travers l'échantillonnage numérique. Ce fut pour moi spontané d'y mettre une touche arabe. Vers 2006, MIG s'est arrêté et... à partir du moment où vous voulez faire de la musique sous une forme ou sous une autre, vous continuez à travailler sans faire de planification administrative ! Aujourd'hui, je produis moi-même ma musique ; je me suis entourée d'une équipe, j'ai construit ma propre structure, je me suis organisée petit à petit. »

LA CARRIÈRE SOLO : KLAMI, ALWÂNE, ASWAT

La carrière solo de Djazia Satour l'a conduite à l'enregistrement de deux disques : Klami, EP de six titres (2010), puis l'album Alwâne (2014), mâtiné de soul pop, de blues et d'accents chaâbi. Elle y chante en anglais et en arabe dialectal algérien.

« Alwâne est plutôt pop, un peu moins mélangé musicalement. Aswat, mon prochain album [prévu en octobre prochain], porte des influences algériennes : banjo, mandole, violon, bendir... la langue arabe est présente sur tout le disque... On y perçoit des éléments de musique algérienne, une influence plus ou moins marquée de chaâbi dans les figures mélodiques et dans le traitement de la voix. »

Il s'agit d'une interprétation personnelle, insiste-t-elle : « J'ai toujours senti ce besoin d'équilibre entre les musiques traditionnelles qui font partie de moi et les musiques anglo-saxonnes qui sont aussi mes influences. Cette rencontre est souhaitée depuis longtemps. Cet angle de création fut d'abord spontané, et s'est progressivement transformé en une vraie volonté d'aller jusqu'au bout de cette envie. »

Or, cette fois, ajoute notre interviewée, c'est plus qu'un mélange simple et spontané :

« Avec Aswat, j'ai vraiment cherché à mettre en valeur ces musiques traditionnelles dans mon propre contexte. Il y avait un trésor en moi, ça me parlait. En résulte un mélange de tout ce que je suis : à la fois la source et le cheminement. »

L'INCONSCIENT, LE CONSCIENT, LE RÉEL, LE POÉTIQUE

Matière principale du spectacle de Djazia Satour présenté aux Nuits d'Afrique, Aswat n'est pas le fruit d'une intellectualisation, assure la principale intéressée.

« Je n'ai pas pensé mon évolution récente sous le sens des mélanges de modernité et de traditions, de ma culture originelle et de ma culture européenne. Il s'est produit en moi cette résurgence d'influences et de souvenirs enfouis profondément. »

La chanteuse renchérit : les traits culturels de ses enregistrements ne sont pas prémédités et ils correspondent à des tranches de vie.

« Chaque étape de ma carrière est une photographie de mon cheminement personnel, celle-ci a pris partiellement la forme d'un retour aux sources. Le titre Aswat, d'ailleurs, évoque ces voix qui nous arrivent de très loin ; elles expriment des choses diverses de la condition humaine, parfois difficiles. »

Pour Djazia Satour, les textes de ses chansons ont une « importance capitale », c'est pourquoi les mots d'Aswat ont été écrits par un ami écrivain dont elle vante le talent et dont elle ne veut fournir guère plus de détails que le sigle : KS.

« À travers différents contextes de l'actualité, il exprime des ambiances et des sentiments pas du tout concrets. En d'autres termes, il écrit d'une manière très belle, très poétique, mais fait référence à des choses très actuelles qui nous entourent. »

Aswat, mesdames et messieurs.

Au Théâtre Fairmount, ce soir, 20 h

Photo Yannick Siegel, fournie par le festival

La chanteuse Djazia Satour, qui se produira au festival Nuits d'Afrique.