En lingala, langue parlée majoritairement à Kinshasa, «mbongwana» signifie changement. Le terme sied parfaitement à cette formation congolaise, assurément parmi les meilleures prises des 31es Nuits d'Afrique. Voilà qui justifie sans aucun doute cette conversation téléphonique avec le guitariste et chanteur Théophile Nsituvuidi Nzonza.

Notre interviewé est l'un de ces deux musiciens et chanteurs de la formation en fauteuil roulant. Victimes de la poliomyélite, Théo Nzonza et Coco Ngambali sont des bardes néanmoins flamboyants, découverts avec le triomphe de Staff Benda Bilili sur le circuit world. Étaient alors propulsés sur les scènes du monde entier ces artistes de la rue et leurs instruments bidouillés.

Les albums Très très fort (2009) et Bouger le monde (2012) avaient fait le tour de la planète, réalisés par le Belge Vincent Kenis, à qui l'on droit également le fameux album Congotronics de Konono Nº1 (2004). Au sommet de son art, Staff Benda Bilili avait pourtant implosé en 2012 et... Théo et Coco fondèrent alors Mbongwana Star avec l'aval de leur manager Michel Winter.

«Entre leaders de Staff, on ne s'entendait pas sur les questions d'argent, mais il n'y avait pas eu de conflits majeurs », ricane ironiquement Théo lorsque joint à son hôtel de Vancouver. «Staff, nuance-t-il, c'était quand même très bien à l'époque, nous sommes aujourd'hui ailleurs. Nous allons de l'avant, nous ne regardons pas derrière.»

Plus rock

Lancé au printemps 2015, l'album From Kinshasa (étiquette World Circuit) relançait la carrière de Théo, Coco et leurs jeunes collègues de Mbongwana Star sous l'impulsion du réalisateur parisien (d'origine irlandaise) Liam Farrell, alias Doctor L, autrefois batteur de rock chez Taxi Girl, les Wampas ou même les Rita Mitsouko. Pas d'instruments inventés cette fois; guitares, claviers, basse, batterie, chants, alliage inusité de rumba congolaise, coupé-décalé, afrobeat, rock ou électro.

«Doctor L nous a insufflé l'esprit rock, il a influencé notre musique», résume Théo.

Cela étant, l'esprit africain des quartiers centraux de la métropole congolaise demeure la source principale de l'inspiration.

«Kinshasa, c'est notre ville. La République démocratique du Congo, c'est notre pays. On a changé musicalement, il y a plus de rock et un peu d'électro, mais la rumba demeure le rythme fondamental.» 

«En lingala, on chante ce qui se passe à Kinshasa: notre condition, celle des gens croisés quotidiennement, le climat social, les shegué [enfants de la rue]. Ça reste l'Afrique avec ses zones de guerre, nous sommes toujours là. Nous trouvons important d'y rester car les problèmes ne sont pas éternels. Et ça reste généralement calme dans la capitale.»

Un deuxième album est en voie d'être rendu public. Mbongwana Star pourrait en interpréter des extraits aux Nuits d'Afrique. Semble-t-il que le Montréalais d'origine tchadienne Caleb Rimtobaye, alias AfrotroniX, est l'invité sur une des chansons à paraître.

Désormais citoyens du monde, musiciens respectés, Théophile et ses potes gagnent honorablement leur vie et sont fiers de parcourir la planète.

«Grâce à la tournée, chacun d'entre nous a sa maison. Avant quoi nous vivions dans la rue. Nous étions de petits trafiquants, nous survivions avec la vente de produits divers ; boissons, cigarettes, vêtements, huile de palme, etc. Mais il y avait des guitares sous nos bagages. On jouait partout, on avait ce don.»

Force est de constater que la survivance a parfois une destinée heureuse, avec cette conclusion en prime: il n'y a de constant que le changement. Le mbongwana, bien entendu.

_________________________________________________________________________

Jeudi, 21 h 30, scène TD-Espace Musique, parterre du Quartier des spectacles. Le spectacle est gratuit.