Invité spécial des Nuits d'Afrique, Manu Dibango présente la relève montréalaise sélectionnée par la direction artistique du festival: Elete, Rookie Rook et Veeby. Et c'est sur le cas de Veeby que nous nous penchons aujourd'hui.

Le choix s'impose, car cette Camerounaise (comme le grand pionnier des musiques du monde qui l'accueillera sur scène) est actuellement la chanteuse afro-soul qui suscite le plus d'intérêt au sein de la scène «world» locale. Prestance, puissance, autorité sur scène, opiniâtreté, conjugaison inspirée des cultures R & B et africaines, elle est l'une des artistes émergentes de cette tendance afro-soul de plus en plus contagieuse.

Dans la cadre d'un programme spécial tenu ce soir au Théâtre Fairmount, Veeby choisira deux titres de son répertoire et reprendra un classique de Manu Dibango, soit Bolingo City.

Patriarche de la musique africaine moderne, le saxophoniste octogénaire est venu seul avec son claviériste, mais poussera une paire de ses incontournables aux côtés de la formation gagnante du Syli d'or, Proyecto Iré. Quant à la chanteuse et ses collègues mis en lumière, ils seront accompagnés par le groupe Jab Jab, «house band» des Nuits d'Afrique depuis les débuts du festival.

Double vie

Vanessa Kanga s'est installée à Montréal en 2001. Elle était venue au Québec pour y honorer ses engagements familiaux en y menant des études en sciences politiques/économie, suivies d'une maîtrise à l'École nationale d'administration publique (ENAP). Elle coordonne aujourd'hui une concertation de municipalités en Montérégie, soit sur le dossier de la persévérance scolaire.

Enracinée dans notre île, Vanessa Kanga a vécu autant d'années à Montréal qu'à Douala, d'où elle provient. Elle y est née, elle y a fait l'école primaire et le lycée avant de venir étudier au Québec.

La double vie de Vanessa n'est pas d'hier. Elle chantait dès l'âge de 8 ans, elle fut la soliste de la formation de son collège, son talent était plus qu'évident. Déjà, la voie de l'afro-soul était pavée. 

«Mon père est un grand amateur de musique soul/R & B américaine tels James Brown, Sam Cooke ou Aretha Franklin. J'ai baigné dans cette ambiance! Adolescente, je me suis intéressée à la musique camerounaise, Manu Dibango, Henri Dikongué, ou encore Sally Nyolo. Avec l'adolescence vinrent aussi le hip-hop et le R & B américains plus contemporains. Mon idole était alors Whitney Houston, dont j'ai repris les chansons des milliers de fois!»

Malgré les études supérieures menées à Montréal, Vanessa Kanga était en voie de devenir Veeby. Peu après son arrivée, elle avait chanté sur l'album de son cousin rappeur OL1KU, qui travaille avec le DJ et producteur Ray Ray, après quoi elle avait enregistré pour plusieurs rappeurs et réalisateurs locaux. Plutôt que de plonger dans l'aventure musicale, elle dut y mettre un frein jusqu'à ce que ses études soient terminées.

«Mais la musique est toujours restée, c'était viscéral. Quand j'ai fini ma maîtrise en 2012, j'ai voulu trouver ce qui me plaisait, moi, la chanteuse, et tenter de faire carrière. »

Retour aux racines

Pour son premier album lancé en 2012, The Journey, Veeby avait travaillé avec Ray Ray et quelques réalisateurs africains. La facture générale était soul et hip-hop, première étape d'une longue gestation stylistique.

«J'aime beaucoup le hip-hop mais avec la voix que j'ai, je peux me permettre d'aller au-delà de cette forme», estime notre interviewée.

De son groupe originel, Veeby a gardé le guitariste Mitchell Henry, auquel s'ajoutent le percussionniste Eli Maboungou, le bassiste Dave François, la choriste Karine Agboton. Cette formation s'est déjà démarquée à La Vitrine, événement mis en oeuvre par l'organisme Vision Diversité, ce qui a permis à Veeby de créer et de roder un spectacle intime.

Pour faire évoluer la facture et enregistrer un nouvel album dès l'automne, Veeby fréquente le Congolais Fredy Massamba, un des leaders de la mouvance afro-soul.

«Il m'aide à la composition et aux arrangements, il me conseille sur le plan de la direction artistique. Je travaille aussi avec Henri Dikongué, qui est mon idole depuis l'enfance.»

Elle chantera au Bénin en août prochain, elle entrera en studio par la suite. Jusqu'à nouvel ordre, c'est-à-dire jusqu'à ce que le vrai succès de Veeby se confirme, Vanessa Kanga poursuivra sa carrière.

«Veeby apparaît, Veeby disparaît, Vanessa apparaît, Veeby réapparaît... Parfois, je me trouve un peu étrange! [rires]»

Qu'elle n'ait crainte. Les gens casés pour de bon sont généralement ennuyeux...

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Ce soir au Théâtre Fairmount, 20 h.