Les 26es Nuits d'Afrique se sont terminées dimanche soir par un remplacement in extremis, opération somme toute réussie devant une foule estimée à 20 000 personnes par les organisateurs.

Bien sûr, il eut été préférable de voir Tiken Jah Fakoly triompher au Parterre du Quartier des spectacles mais... on a dû se rabattre sur le groupe Dub Inc pour les raisons qu'on sait - annulation/report du spectacle pour cause de visa périmé... Fort heureusement, les reggaemen français avaient l'expérience des grandes foules, et ils en ont fait l'éloquente démonstration.

Mains levées bien haut, bras qui ondulent, têtes qui hochent, bonnets qui opinent, bassins qui frétillent, jambes qui dansent. Ces signes ne mentent pas! Lorsqu'une foule est conquise par d'illustres inconnus (enfin, c'était le cas pour la majorité absolue des observateurs), on peut dire que ces derniers ont accompli quelque chose d'important. Visiblement, cette formation a fait beaucoup de chemin sur les circuits de l'Europe avant d'investir le Nouveau Monde, et s'y est fait de (nombreux) nouveaux amis avant de rentrer chez elle.

Malgré tout, donc, malgré l'énorme anti-climax causé par l'absence de Tiken Jah, c'était archi plein au Village des Nuits d'Afrique pour coiffer cette 26e présentation. Présentation, somme toute, moins remarquable que la 25e si ce n'est que pour ses annulations importantes au finish (Faudel et Tiken Jah).

Pour la suite des choses, les Nuits d'Afrique devront trimer dur afin de conquérir le public intéressé aux nouvelles déclinaisons issues de l'afrodiversité, pourtant remarquables à la SAT avec les prestations du Sud-Africain Spoek Mathambo et du Sénégalais Didier Awadi... devant des auditoires beaucoup trop minces compte tenu de leur potentiel fédérateur.

Bien sûr, le festival montréalais devra maintenir l'intérêt dans le créneau qu'il occupe déjà: Sierra Leone's Refugee All Stars, le plateau Madagascar Wake Up (franchement super!), la chanteuse tunisienne Emel Mathlouti (qui, avec plus de moyens, brillera encore plus), on en passe.

On souhaite aussi que les budgets permettent un jour aux programmateurs d'en finir avec les formations locales qui accompagnent les chanteurs de stature soi-disant internationale. Le chanteur haïtien BelO est un bon exemple: la prochaine fois, il doit venir avec son band de Port-au-Prince! Idem pour le chanteur marocain Hamid Bouchnak, qui devait compter sur la formation montréalaise Syncop (devenue... back up sans son chanteur) afin de faire valoir son répertoire auprès des Montréalais. Idem pour le chanteur Rômmel Ribeiro, qui propose des chansons brésiliennes solidement ficelées malgré leur léger décalage. Idem pour le guitariste, compositeur et arrangeur Roberto Lopèz, d'origine colombienne et dont la jazzification du patrimoine mérite toute l'attention des mélomanes d'ici.

Bien sûr, on réalise la valeur de nos formations locales aux origines multiples et dont la qualité ne cesse d'augmenter au fil du temps. Une décennie plus tôt, un groupe comme Syncop n'aurait pu atteindre ces standards de qualité à Montréal et ainsi nous faire goûter son Sirocco d'érable, pour reprendre le titre de son dernier album. Idem pour Heavy Soundz, groupe gagnant du Syli d'or (grand prix de la relève aux Nuits d'Afrique) et dont le nom traduit bien mal l'expression afro-latine et panaméricaine mâtinée de hip hop; ce band n'aurait pu croître au sein de communautés locales encore scotchées sur des expressions populaires trop décalées. Dimanche, on a plutôt observé une dizaine de musiciens et MC vivifiants, en phase avec ce qui se passe actuellement en Amérique latine.

La prochaine étape? Qu'une formation montréalaise issue de l'afro-diversité locale explose enfin sur le circuit international. On le souhaitait l'an dernier pour Wesli, Montréalais d'origine haïtienne qui devra redoubler d'efforts pour parvenir enfin à la notoriété mondiale. On le souhaite pour quiconque a le talent, la volonté, et la persévérance de passer de l'artisanat au professionnalisme de haut niveau.

Inutile d'ajouter que les Nuits d'Afrique auront rôle crucial à jouer en ce sens.