Des pionniers s'amènent: Moritz von Oswald et Juan Atkins. Des musiciens ayant atteint la pleine maturité: Matthew Herbert, Andy Stott, John Talabot, Jon Hopkins, Ryoichi Kurokawa, Pantha du Prince, Ghislain Poirier. D'autres artistes en voie de reconnaissance: Emika, VLoooper, Letherette, Graze. Issus de toutes générations, ces humains de la mouvance technoïde s'inscrivent parmi quelque 75 performances prévues au 14e MUTEK.

Pas moins de 35 premières seront présentées de mercredi à dimanche au «festival international de créativité numérique et de musiques électroniques», soit au coeur du Quartier des spectacles - le Métropolis, la Société des arts technologiques (SAT), le Monument-National, la Maison symphonique de Montréal et le 2-22 accueilleront MUTEK.

«Ça fait 15 premières mondiales, 16 nord-américaines, 4 canadiennes. C'est presque la moitié de l'horaire!» s'exclame fièrement Alain Mongeau, directeur artistique et fondateur de l'événement, dont il partage la responsabilité de la programmation avec Patti Schmidt et Vincent Lemieux.

«Ce qui me frappe, renchérit-il, c'est la maturité, la santé générale et la profusion des projets présentés à MUTEK cette année. Au début des années 2000, on disait que cette tendance serait une mode passagère. On se retrouve 14 ans plus tard, et cette culture électronique continue de jaillir. Cette vitalité m'étonne et alimente mon intérêt pour la suite des choses: plus que lors des dernières présentations de MUTEK, j'ai hâte d'entendre ces musiques sur scène.»

On s'apprête donc à mobiliser un public jugé pointu, néanmoins débordé par les clubbers qui assistent immanquablement aux programmes présentés sous la bannière Nocturne, programmes plus propices à la danse et à la fête mais... plus raffinés que ce qu'offrent les Skrillex et David Guetta de ce monde. «Il y a lieu de s'émerveiller devant tous ces artistes qui se mettent dans des situations assez risquées. Il y a une grande générosité de leur part», pense le directeur artistique de MUTEK.

«Une des particularités de ce festival, rappelle-t-il en outre, est sa reconnaissance par les initiateurs de la musique électronique. Par exemple, Moritz von Oswald et Juan Atkins nous ont approchés afin de présenter à Montréal la première mondiale de leur projet Borderland. Respectivement de Berlin et de Detroit, ces deux esprits fondateurs de la techno viennent présenter en primeur leur nouvelle collaboration.

«Il y a les noms connus, il y a les classiques, mais il y a aussi cette mouture d'artistes qu'on ne connaît pas, et dont l'esthétique rejoint des publics plus jeunes - sorte de post-dubstep, je dirais. Bien sûr, nous filtrons à travers les hype pour choisir les artistes dont les démarches semblent les plus intéressantes.»

Après le filtre? Place à l'expérience mutékienne!

Cinq soirs, cinq événements

One Pig

Signé Matthew Herbert, One Pig est présenté ce soir en première nord-américaine. Afin d'illustrer la vie d'un porc, c'est-à-dire sa naissance, son élevage, son abattage, sa transformation en aliment, sa cuisson et sa consommation, le Britannique a effectué maintes prises de son de l'animal et de son environnement, pour ensuite créer la musique de l'album One Pig. Le compositeur en a fait un spectacle vivant dont l'objet est de nous questionner sans complaisance sur la trajectoire des êtres vivants.

Ce soir, 20h, Monument-National

Herman Kolgen et Nils Frahm

Alain Mongeau y voit la première rencontre mutékienne entre musique dite classique  et musique électronique. Le mariage (d'un soir) de la créativité numérique et de la rigueur classique instrumentale mènerait ainsi à des territoires inexplorés. Plus concrètement, le public fera face à un instrumentiste chevronné, soit le Berlinois Nils Frahm qui exploitera trois pianos différemment préparés. 

Dans le cadre du même programme, l'artiste multi-disciplinaire montréalais Herman Kolgen nous convie à un concept audiovisuel inspiré de Different Trains, oeuvre majeure de Steve Reich exploitant la voix parlée - un peu à la manière du Trésor de la langue de notre René Lussier, qui l'avait fait avant Reich d'ailleurs. Ainsi, Different Trains devient Train Fragments et implique l'ensemble montréalais de percussions Sixtrum.

Jeudi, 20h, Monument-National

Ryoichi Kurokawa

Vendredi, le volet audiovisuel de MUTEK migre vers le Métropolis. On y présente le Japonais Ryoichi Kurokawa, établi à Berlin. Artiste multidisciplinaire, il explore tant les arts visuels que la composition au moyen d'outils numériques. Son travail a été montré sur plusieurs scènes, dans plusieurs musées du monde. D'excellents DJ/compositeurs/réalisateurs lui succéderont dans le même amphithéâtre: Jon Hopkins et Robert Hood.

Vendredi, 22h, Métropolis

John Talabot

DJ/réalisateur de Barcelone, John Talabot surfe sur différents courants sonores; son profil biographique indique qu'il s'inspire autant du bon vieux Depeche Mode que de la pop visionnaire d'Animal Collective, ou encore du travail de collègues technoïdes tels SBTRKT ou Ellen Allien. Fin, son unique album lancé au début de 2012, a été applaudi par la critique, et la direction artistique de MUTEK assure que son actuel DJ set est très bon.

Samedi, 22h, Métropolis

Pantha du Prince

Prévu à la Maison symphonique, le plat de résistance de ce programme double est servi par le DJ hambourgeois Pantha du Prince (Hendrik Weber) et l'ensemble de percussions The Bell Laboratory - la dimension audio de cette oeuvre se trouve d'ailleurs dans l'album Elements of Lights. Après avoir séduit la planète électro avec l'excellent Black Noise (février 2010), le DJ et réalisateur mène un projet ambitieux: combiner son électro à un arsenal de cloches de toutes tailles.

Dimanche, 19h, Maison symphonique