Samedi soir, l'église St.James United a résonné de toutes ses structures. Saturations liturgiques au programme : « compositions d'avant garde et patrimoine historique convergent lors d'une audacieuse rencontre entre deux figures de l'expérimentation musicale, qui, sous les notes de l'orgue de l'église, vont mener l'audience en de nouvelles sphères sonores».

Vraiment? Hmmmm... pas tout à fait. La célébration était prometteuse, pourtant, voyez le personnel : membre émérite de la formation culte Sunn O))), l'Américain Stephen O'Malley est réputé spécialiste du drone, du doom metal et du dark ambient, tandis que le Montréalais Tim Hecker est un très doué créateur électronique plus éclectique de manière générale et très intéressé aux épais sédiments de distorsions.

Ainsi, ce rituel du bruit haut de gamme devait coiffer la série Visions de Mutek. Le temple de la rue Sainte-Catherine était d'ailleurs archi-plein pour cette grand-messe du bourdon absolu (drone pour les intimes). Depuis la fin des années 90, il faut dire, j'ai vécu personnellement quelques expériences du genre. La dernière fut mémorable, soit en mai 2011 au festival de Victoriaville : les Américains du trio Wolf Eyes (Mike Connely, John Olson, Nathan Young), le Français Richard Pinhas et le Japonais Masami Akita alias Merzbow, avaient maintenu intérêt et fascination du début à la fin. Samedi, ce ne fut malheureusement pas le cas.

Pour qu'un drone soit vraiment concluant, il faut à mon sens que l'oreille soit en mesure d'identifier les minéraux des épais sédiments de sons. Bien sûr, on ne pouvait imaginer autre chose qu'une suite de variations lentes et pénétrantes, dialogue longuement distorsionné entre bête guitaristique, bête électronique et grandes orgues. Cette approche est fondamentalement horizontale, on en convient, mais ses variations doivent en révéler des éléments probants à défaut de quoi cette immense décharge de décibels ne se résume qu'à un effet plutôt qu'une oeuvre, aussi puissant soit cet effet.

Samedi soir, la combinaison de l'orgue et de la guitare hyper-amplifiée  était une bonne idée en soi mais... Stephen O'Malley a finalement enseveli Tim Hecker, avec à la clé une impression de linéarité.   Déflagrations sans surprises, sauf quelques variations mineures. Il eut donc été nécessaire de mieux circonscrire l'intelligibilité de ces instruments hypersaturés. Désolé, mais ce ne fut vraiment pas un grand trip de drone... Néanmoins une expérience à refaire lorsque l'occasion s'y prêtera, quoi qu'il advienne.

Par la suite, j'ai évité le Métropolis pour me consacrer entièrement au volet Satosphère du programme Nocturne 4 : premier élément au programme, l'Adagio de Toccata et Fugue en do majeur (BWV 564) 9/13 de Jean-Sébastien Bach, exécuté au synthétiseur par Jessica Lanza et filtré électroniquement par Jeremy Greenspan et Christina Sealey. Sans vouloir être réducteur, on n'était guère plus loin que Walter Carlos (devenu Wendy depuis des lustres) qui faisait du Bach de synthèse dans les années 70...

De Boston, Keith Fullerton Whitman nous a ensuite offert un travail beaucoup plus substantiel, sorte de fresque conçue ici et maintenant. À partir d'instruments électroniques analogiques bricolés par le musicien, ce dernier a su déployer une riche, vaste et libre improvisation assortie d'effets visuels projetés au-dessus de nos têtes. Avis aux intéressés qui désirent explorer ce créneau fort intéressant, quoique radical, l'artiste américain gère aussi la boutique Mimaroglu Musics Sales.

Pour conclure, l'Anglais Chris Clark : totalement improvisée à la synthèse modulaire comme il l'avait annoncé en interview, sa prestation avait toutes les qualités nécessaires aux meilleures immersions et nocturnes (en scène vers 1 h 40) sous le fameux écran dome de la SAT. Variété de rythmes, diversité de styles et de références, profondeur harmonique, richesse mélodique, potentiel bruitiste, équilibre souhaité entre l'écoute nourrissante et le plaisir de s'éclater sur un plancher de danse. Succès en ce qui me concerne, et je dirais même avoir  préféré cette performance au récent album de Clark - Iradelphic sous étiquette Warp.

Pression satosphérique plus qu'acceptable, somme toute!