Six mois après sa dernière visite à Montréal, le Britannique Kieran Hebden, dit Four Tet, propose ce soir au programme Nocturne_4 de MUTEK un laboratoire percussif, à mi-chemin entre house et jazz, en collaboration avec le duo londonien Rocketnumbernine.

Bassiste de formation, rockeur dans l'âme, ex-membre du groupe post-rock Fridge, Kieran Hebden est un touche-à-tout de la musique, ce qui explique en partie le regard oblique qu'il porte sur la scène et l'esthétique, à la fois décalée et en phase avec les tendances, de ses plus récentes oeuvres.

«C'est ce qui fait ma force, il me semble. Derrière le regard, l'espoir de faire une musique singulière. Ce que j'aime de la scène aujourd'hui, c'est que les créateurs ne cherchent pas à être partout sur les radios ou dans les médias. Comme s'ils aimaient l'idée de rester dans l'underground, de faire une musique sans compromis.»

Hebden, diplômé de la Elliott School de Londres d'où sont issus les membres de The XX, Hot Chips et où il a fait la connaissance de Burial, est arrivé à l'électronique sur le tard. «J'étais dans Fridge, au milieu des années 90. Mon premier contact avec la scène fut le drum&bass. C'est après que j'ai commencé à jouer avec les ordinateurs. Je ne m'impliquais pas dans la scène, mais j'ai écouté les disques», toujours avec l'oreille d'un instrumentiste qui a goûté au rock et à la musique improvisée.

Ainsi, pour comprendre la démarche qui allie Four Tet aux frères Ben (synthés) et Tom (batterie) Page de Rocketnumbernine, il faut remonter à la collaboration de trois ans et quatre albums de Hebden et feu Steve Reid, batteur free jazz américain mort il y a un an.

«C'est lui qui m'a présenté Tom, qui était ami de Reid. Souvent, en tournée, Tom venait l'aider. Les frères Page ont commencé à jouer ensemble, encouragés par Steve. Au début, c'était de l'improvisation. Puis, ils ont commencé à travailler sur des compositions.»

À l'époque où Kieran Hebden travaillait à la confection de son dernier album, l'indémodable There is Love in You (lancé chez Domino en janvier 2010), il a découvert le duo pendant une soirée du label Border Community de James Holden (qui joue également ce soir, au Métropolis).

Rocketnumbernine a ouvert les spectacles de Four Tet, puis ils ont commencé à collaborer (à l'invitation de Gilles Peterson), dans l'esprit des expérimentations avec le regretté Reid. «Il y a définitivement des traces de jazz qui refont surface dans notre performance», assure Hebden, qui a lancé leur premier single sur son label, Text Records.

Passion

Un tout petit label, Text. Une affaire de passion plus que de business: une dizaine de parutions seulement en autant d'années. Mais ces derniers temps, le label est devenu plus gros que son patron ne l'espérait grâce à trois parutions convoitées: une collaboration entre Burial et lui, un «split-single» avec Daphni, le nouveau projet de son ami Caribou, et une collaboration avec Burial et Thom Yorke de Radiohead.

«Burial et Thom sont des amis, alors tout s'est mis en place très simplement, raconte-t-il. Burial et moi avions déjà lancé un premier single, puis un jour, on s'est retrouvé en studio pour s'amuser, pour échanger sur la musique qu'on aime. Je voulais lancer ça tout bonnement sur mon label, sans en parler d'abord, sans l'avoir annoncé sur mon site web, sans même avoir envoyé des copies promos aux journalistes. Honnêtement, j'ai été surpris de voir la vitesse à laquelle ça s'est vendu!»

Il n'y a pas de hasard: Yorke qui collabore avec Four Tet semble être une fleur lancée à l'ami dont le travail a sans doute influencé Radiohead sur son plus récent album, The King of Limbs. «Plusieurs personnes m'ont fait remarquer ça, dit Hebden, amusé. Colin (Greenwood, bassiste de Radiohead) est aussi un bon ami; il a dit en entrevue à Mojo que tout le groupe écoutait mon disque pendant qu'ils enregistraient le leur. Je les connais, je sais qu'ils écoutent beaucoup de musique électronique et qu'ils ont créé des liens avec Burial, Flying Lotus. Je suis flatté qu'ils apprécient ce que je fais.»

Four Tet, samedi soir au Métropolis, dans le cadre de MUTEK.