Depuis un demi-siècle environ, les exemples se multiplient et nous éveillent à cette réalité: l'essor de la musique classique occidentale en Chine génère son lot de virtuoses, maestros, compositeurs et ensembles de haute volée.

L'escale montréalaise de l'Orchestre symphonique de Shenzhen, ville sans histoire devenue mégapole asiatique en quelques décennies, illustre bien cette croissance phénoménale.

Le violoniste Dan Zhu est le soliste invité de ce programme dominical de l'orchestre chinois, présenté à la Maison symphonique.

Originaire de Pékin, où ses parents vivent toujours, ce virtuose de 33 ans est venu achever ses études de musique à New York. Dès l'âge de 9 ans, il fut repéré par la communauté classique chinoise. Son talent était tellement remarquable que ses parents l'envoyèrent aux États-Unis afin qu'il y reçoive une éducation musicale de calibre international.

Inscrit au Mannes College of Music at The New School, il a appris notamment avec la violoniste québécoise Lucie Robert. Il n'avait que 16 ans! Rapidement, le jeune homme s'est imposé: deux ans après son arrivée en Amérique, il se produisait au Carnegie Hall. Résidant de New York, il est aujourd'hui concertiste de renommée internationale.

«Ma carrière me mène en Amérique du Nord, en Europe, mais aussi en Asie, particulièrement en Chine, au Japon ou en Corée du Sud. J'y passe le tiers de mon temps. Dans mon pays, j'ai joué avec tous les ensembles importants.»

Au bout du fil, le trentenaire ne se fait vraiment pas prier pour nous présenter l'orchestre avec qui il se produit chez nous. Montréal, indique-t-il, est la dernière étape d'une tournée nord-américaine: 

«Pendant cette tournée qui s'achève, j'ai joué trois concertos pour violon et orchestre différents. Nous alternons de ville en ville. À Montréal, j'interpréterai le Concerto pour violon en mi mineur, op. 64, de Mendelssohn, l'un des plus importants du répertoire pour le violon, de surcroît l'un des mieux écrits à mon sens - par l'utilisation du violon, par la qualité de sa structure, par sa densité, son lyrisme mélodique et l'énergie qu'il induit chez ses interprètes», raconte Dan Zhu.

Un orchestre réputé

Comment situer l'Orchestre symphonique de Shenzhen dans le contexte classique en Chine?

Fondé en 1982, il jouit d'une excellente réputation en Chine et s'illustre hors de ses frontières. Depuis 2008, il évolue sous la direction artistique du maestro allemand Christian Ehwald.

«Ma première expérience avec cet orchestre remonte à dix ans. Depuis lors, j'ai été invité maintes fois à y collaborer en tant que soliste. Je crois sincèrement qu'il a atteint un niveau très élevé. J'ai observé le rajeunissement de son personnel et sa maturation: plus d'énergie, une meilleure éducation, une meilleure culture classique. Bien sûr, le niveau technique de la musique classique augmente partout dans le monde, mais c'est particulièrement rapide en Chine! Par ailleurs, cet orchestre couvre plusieurs périodes du répertoire et fait une place importante aux compositeurs de mon pays: commande d'oeuvres, promotion du répertoire chinois contemporain.»

Au-delà de Shenzhen, ville sous les projecteurs du festival Montréal en lumière, Dan Zhu soutient que de nombreuses localités chinoises connaissent elles aussi un essor de la musique classique et contemporaine.

«Certains orchestres sont aujourd'hui très bons ou excellents. Depuis mon adolescence, je reviens chaque année en Chine et j'y observe un changement extraordinaire: des ensembles et d'excellents chefs s'y sont imposés. De surcroît, les jeunes musiciens y sont très bien formés et se produisent dans de meilleures conditions; la Chine peut aujourd'hui compter sur plusieurs salles de concert top niveau.»

Des compositeurs de talent

Le temps a aussi fait son oeuvre pour la création contemporaine chinoise. Ce cliché voulant que les Asiatiques ne soient que de parfaites copies occidentales ne tient plus la route. Dan Zhu l'affirme haut et fort: 

«Nous pouvons maintenant compter sur plusieurs compositeurs de grand talent, comme Xiao-Gang Ye et Bright Sheng. Les compositeurs d'aujourd'hui ne se bornent plus à apprendre le langage occidental ou à y adapter les musiques traditionnelles chinoises, comme c'était le cas jusqu'aux années 60: ils développent leur propre langage, créent des formes authentiques et originales. En même temps, on peut observer dans leurs oeuvres des éléments de musiques chinoises qui en accentuent la spécificité et la grande diversité culturelle.

«D'un créateur à l'autre, conclut Dan Zhu, l'angle asiatique est perceptible dans la musique contemporaine de mon pays, et ce, à divers degrés. Leurs techniques d'écriture étant universelles, ils font partie de la grande famille mondiale de la musique, mais il y a une saveur chinoise dans leurs oeuvres. C'est comme la haute gastronomie en 2016: de plus en plus, on y préconise une cuisine fusion, sans pour autant négliger les saveurs locales.»

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Sous la direction du chef invité Jindong Cai, l'Orchestre symphonique de Shenzhen se produit à la Maison symphonique dimanche, 20 h.

Au programme: Mélodies traditionnelles chinoises adaptées par Yuankai Bao (né en 1944); Concerto pour violon en mi mineur, op. 64, de Felix Mendelssohn (1809-1847); Sérénade pour cordes en mi mineur, op. 22, d'Antonín Dvořák (1841-1904); L'oiseau de feu (1919), suite pour orchestre d'Igor Stravinski (1882-1971).