Jeudi soir, le guitariste français Sylvain Luc s'est produit dans un Gesù rempli aux quatre cinquièmes. Tout au long de cette soirée organique, pour reprendre le nom de ce trio, les jazzophiles présents ont pu apprécier l'équilibre souhaité entre musicalité et virtuosité.

C'est désormais acquis pour un nombre croissant de mélomanes, ce Basque de France est d'une classe à part. Alternance entre médiator (communément appelé pic) et d'une technique héritée de la guitare classique (à cinq doigts) où le pouce joue un rôle essentiel, usage très personnel des harmoniques, variété de textures (plusieurs «tones»), articulation parfaite en très haute vitesse, connaissance profonde de l'univers harmonique du jazz, facilité déconcertante à dégainer toutes les composantes d'un style... mirobolant.

Le tout servi dans un cadre assez balisé, force est d'observer : l'expression de ce trio Organic s'avère plus singulière dans les expressions individuelles et dans l'interaction que dans le choix de ses thèmes et son approche de la composition, somme toute relativement conventionnels.

Au programme, on a surtout droit à la matière récemment enregistrée (sous étiquette Dreyfus) de ce nouveau trio que Sylvain Luc forme avec deux pointures du jazz français : le pianiste et claviériste Thierry Eliez et le batteur André Ceccarelli.

Comme un envol, départ tout en douceur. Maité, jazz à saveur antillaise où l'on contemple cette alternance annoncée (en interview) du rôle de bassiste (côté claviers, côté guitare), impressionnant ! « On embarque pour Organique », pièce d'esthétique plus jazz-fusion qui ne néglige pas le swing pour autant. Deux, quatre à cinq, encore plus jazz-rock. Bleu tendre s'introduit sur une ligne de cordes étouffées avec accords en alternance, Eliez chante alors le thème mélodique de la ballade, somme toute un tantinet babacool.

Le trio enchaîne un jazz latin joué manière France méridionale. On remarque alors que Thierry Eliez fait aussi preuve d'une technique singulière : souvent main gauche piano et main droite Rhodes - ou encore main gauche synthé et main droite piano sur d'autres pièces. D'ici d'en bas, un thème du compatriote Bernard Lubat, est l'occasion d'une séance de slap guitaristique suivie d'un solo en vitesse supérieure. Et voilà une autre ballade au thème mélodique chanté par Eliez : L'impressionniste.

Mis au courant de la controverse québécoise sur la stupide rectitude politique dont fut victime la chanson L'Hymne à l'amour, Sylvain Luc suggère son commentaire musical, soit une interprétation acoustique et non amplifiée, comme un seul homme, du classique d'Édith Piaf. Pour les derniers rappels, le trio est de retour, on remarque une ballade dont le thème mélodique est sifflé en phase parfaite avec les notes du clavier. Question de marquer son passage en Amérique francophone, le trio français coiffe le tout avec une jazzification de Mon Pays de Gilles Vigneault. Ç'aurait pu sonner pompier, remarquez. Personne, finalement, n'a été arrosé. Bien au contraire!