«Autant que le jazz, le hip-hop, la soul ou le R&B font partie de moi. Je ne change pas de casquette lorsque je change de style. Pour moi, ça participe du même univers.» À 33 ans, Robert Glasper résume ainsi son identité musicale et s'apprête à défendre Black Radio, son nouvel album où les variantes de musique populaire afro-américaine dominent le jazz.

«Cet album se veut plus grand public», souligne Robert Glasper, que d'aucuns considèrent comme le pianiste, compositeur et improvisateur afro-américain le plus doué de sa génération.

«Vous savez, les jazzmen de mon âge écoutent du hip-hop et bien d'autres musiques. Cet album ne devrait donc pas leur poser problème! Cette fois, j'ai plutôt pensé aux autres fans de musique qui n'écoutent pas de jazz d'ordinaire. C'est pourquoi je leur fais des propositions qu'ils pourraient aussi apprécier. Je ne cherchais pas à reconquérir mon propre auditoire, qui peut déjà compter sur quatre albums. Je cherchais plutôt à faire croître la population de cet auditoire, bien qu'on trouve dans Black Radio une sensibilité vraiment jazz.»

Sûr de ses moyens, Robert Glasper estime être l'homme de la situation pour ériger un pont entre cultures jazz et urban.

«Je suis parmi les rares musiciens qui s'expriment vraiment dans ces deux mondes. Je le fais depuis le début de ma carrière, j'accompagne régulièrement des artistes de la soul et du hip-hop comme Bilal, Mos Def et Maxwell. Je voulais donc inscrire cette démarche dans un album où je suis aux commandes afin d'attirer de nouveaux fans dans mon propre univers, un univers propice à la découverte du jazz. Bien sûr, les formes musicales de Black Radio ne sont pas complexes et sophistiquées. Mais, au bout du compte, certains recoins le sont, car nous n'y jouons pas normalement. Nous n'évoluons pas dans la norme malgré notre effort d'accessibilité.»

Il va sans dire, quelques invités de taille sont mentionnés au cours de l'entrevue.

«J'ai appelé moi-même ces artistes, dit-il. Ils ont tous accepté sans hésiter.» Meshell est citée en premier lieu. «J'avais travaillé sur son album The Man of My Dreams, je la connais depuis longtemps, poursuit-il. J'ai fait des duos et d'autres spectacles avec elle. Je la connais depuis un bon moment. Je lui ai fait parvenir une ébauche, elle a ensuite poursuivi le travail. Puis, nous avons finalisé ensemble The Consequence of Jealousy

Collaborations

Il est aussi question d'Erykah Badu. «Je la connais depuis que j'habite New York, précise Robert Glasper. Elle était ma voisine lorsque je me suis installé à Brooklyn, à la fin des années 90. Erykah et moi avons tous deux été les invités spéciaux des Roots à quelques reprises. Nous faisons partie d'une même grande famille, vous savez. J'ai appelé Erykah et j'ai réussi à trouver une journée de congé pendant sa tournée, afin de reprendre Afro Blue, de Mongo Santamaria et reprise par John Coltrane.»

Autre collaborateur: Mos Def. «Ensemble, nous avons fait la chanson titre de l'album on a fait ça pendant une répétition, il était à Los Angeles pour une série télé (Dexter) et j'enregistrais là-bas à ce moment. Il est donc venu...»

«Ah Yeah a été faite à la dernière minute, ajoute-t-il. J'ai croisé Chrisette Michele à Atlanta. Elle est venue en studio, la chanson est devenue un duo avec Musiq Soulchild. Expérience vraiment cool!»

Quant à Bilal: «Il est mon chanteur préféré! Et c'est avec lui que je travaille depuis le plus longtemps. Je l'ai connu en 1997, à l'université. J'ai été son directeur musical de 2000 à 2008. Je suis sur deux de ses trois albums. Il travaille aussi sur certains de mes enregistrements. J'ai entendu cette chanson de Bowie (Letter to Hermione) qui m'est revenue à l'esprit à l'aube du projet. Bilal et moi l'avons reprise ensemble.»

Le Robert Glasper Experiment ne pourra évidemment tourner avec toutes ces étoiles. L'escale montréalaise n'en prévoit aucune. On se limitera à Casey Benjamin (saxophones et vocodeur), Derrick Hodge (basse) et Mark Colenburg (batterie).

«La tournée officielle, dit-il, commence le 1er mars. Bilal en fera partie. Cette tournée, cependant, ne comportera pas tout le matériel de l'album Black Radio, puisque le groupe Experiment présente toujours du jazz à chacun de ses concerts. À Montréal, nous ne jouerons pas beaucoup de matière de ce nouvel album. Casey (Benjamin) pourra toutefois chanter. Ce sera un mélange.»

The Robert Glasper Experiment se produira au Gesù, à 20h, le 24 février.