Variations fantômes, de Philippe B, a récolté en 2011 certaines des meilleures critiques de la chanson québécoise francophone. Cet album avait cela de brillant qu'il intégrait à ses mélodies, progressions harmoniques et rimes inspirées des fragments prélevés dans de grandes musiques classiques: Couperin, Vivaldi, Schubert, Tchaïkovski, Richard Strauss, Poulenc, Saint-Saëns, Satie, Ravel. Il fallait ensuite penser à la scène.

Nous voilà au plan B des Variations fantômes, c'est-à-dire à son interprétation en «format de luxe», pour reprendre l'expression du principal intéressé. Depuis sa sortie, Philippe B a présenté une version minimaliste de son matériel sur scène, seul avec sa guitare et quelques procédés électroniques, évitant même de reprendre systématiquement les échantillons de musique classique qui sont au coeur de la démarche. Pourquoi si peu?

Philippe B répond par ces questions: «Est-il préférable d'entendre sur scène un gars seul avec ses chansons, sans effets? Desjardins est-il meilleur en solo ou en groupe?»

On lui rappelle que le repiquage de musique classique préenregistrée est crucial dans ses Variations fantômes. Le fragment de musique classique n'en est pas un ornement des Variations fantômes, il en est un fondement. On perd ce fondement lorsque son auteur se présente seul avec sa guitare et ne procède qu'à quelques bidouillages en de trop rares occasions.

C'est vrai, c'est ce qui a amorcé l'affaire dans la majorité des cas. Je ne fais pas que prendre un bout de classique auquel j'ajoute un beat rudimentaire. Je fais quelque chose d'autre avec ce matériau», corrobore Philippe B.  

Il tient néanmoins à l'autonomie de ses chansons dans leur plus simple appareil. «Pour des premières parties de Mara [Tremblay], je faisais des chansons qui se sont retrouvées dans les Variations. Pierre Girard [le sonorisateur] me disait alors que les chansons fonctionnaient déjà sans sampling. Ça m'a influencé à ne pas trop en beurrer sur l'album. Cette fois, cependant, ce sera l'inverse, on en mettra encore plus!»

Version maximale

Au Conservatoire de musique de Montréal, vendredi prochain, le répertoire des Variations fantômes sera présenté en version maximale. Accompagneront Philippe B, le Quatuor Molinari (Olga Ranzenhofer et Frédéric Bednarz, violons, Frédéric Lambert, alto, Pierre-Alain Bouvrette, violoncelle), deux sopranos (Ariane Girard et Maude Côté Gendron), une harpiste (Evelyne Grégoire), trois musiciens qui jouent des instruments à vent (Jocelyne Roy, flûte, piccolo, Mathieu Gratton, trombone, Florence Blain M'baye, hautbois), un guitariste et joueur de lap steel (Joseph Marchand), un batteur, un percussionniste (Liu-Kong Ha de Random Recipe), un contrebassiste (Philippe Brault).

Le Quatuor Molinari est ouvert à ce type d'expérience plus pop, plus hybride. On l'a entendu l'an dernier avec Pierre Lapointe et il prévoit travailler l'an prochain avec Timber Timbre. Pour les arrangements, l'altiste Frédéric Lambert m'a aidé à répartir le travail et à recruter les arrangeurs [Alexis Raynault, Hugo Mayrand, Hugo Gravel, etc.] afin de respecter l'esprit de l'album. Les miens, d'ailleurs, devront être retranscrits par quelqu'un qui s'y connaît mieux que moi (rires)!»

Et voilà le travail fin prêt à être dévoilé sur scène. Les concerts au Conservatoire seront filmés et enregistrés «comme il le faut», parce que «c'est là que ça va sonner le mieux.» On ne sait jamais... un DVD est si vite arrivé!

L'économie du spectacle étant ce qu'elle est, Philippe B n'a pas encore le rayonnement commercial pour tourner avec une telle équipe. Mais... «Par la suite, il se peut que je tourne seul avec le Quatuor à cordes», laisse-t-il échapper. Voilà qui serait aussi fort intéressant: cordes vivantes et échantillons de musiques classiques seraient au service des Variations fantômes.  

Le plan B nous réserve encore des surprises...