En France, Ben L'Oncle Soul vient de rafler le trophée Victoire de la révélation scène, mais déjà, l'été dernier, aux FrancoFolies de Montréal, il avait remporté deux titres officieux, selon ceux qui ont assisté à ses spectacles: meilleure première partie (avant Diam's, au Métropolis) et performance la plus énergisante sur une scène extérieure! Le chanteur soul est de retour ici, et comme disent nos cousins hexagonaux, «ça va déchirer» avec ce cher Oncle Ben, ce soir, au Club Soda.

Au bout du fil, Ben l'Oncle Soul, alias Benjamin Duterde, salue ses copains, lance au chauffeur de taxi sa destination, assure à la journaliste qu'il sera avec elle sous peu, resalue ses copains avec effusion, rigole avec le chauffeur... et déborde d'affection pour celle qui est au bout du fil, qu'il ne connaît ni d'Ève ni d'Adam. Qu'importe, Ben est prêt à aimer tous ceux qui passent à sa portée, et c'est une des raisons de son succès.

Mais il y en a bien d'autres. Notamment sa passion pour le soul, étonnante: qui, à part un peu Nino Ferrer, Michel Jonasz ou Claude Nougaro, a pratiqué cet art de la musique qui balance et du texte qui lacère dans l'Europe francophone? «Nino Ferrer est justement une de mes références, explique Ben avec chaleur, mais c'est vrai que tous ces chanteurs que vous citez, s'ils ont le soul dans l'âme, ne l'ont pas nécessairement eu dans la voix, si je puis dire, il n'y a pas eu d'Otis Redding français, c'est vrai. Et ça m'a manqué de ne pas trouver d'artiste français qui chantait le soul, c'était la musique que j'écoutais (grâce à sa maman qui lui faisait écouter des disques de James Brown et compagnie). Du coup, je me suis dit que j'allais me le faire!» Il se l'est fait, et avec brio: doté d'une véritable voix soul, il chante en français et en anglais des chansons originales tout à fait dans l'esprit Motown, avec une bonne humeur contagieuse et la volonté d'instiller du plaisir aux spectateurs.

On le précise tout de suite car c'est rare: tout natif de la Touraine qu'il soit, Ben l'Oncle Soul chante en anglais sans accent!

«C'est d'autant plus étonnant, explique le principal intéressé en riant, que je parle assez mal l'anglais, pour dire la vérité, je ne suis même pas bilingue! Mais j'ai une bonne oreille pour le chanter. Je n'ai jamais connu le soul autrement qu'en disques (il est né en 1984), je ne peux donc pas avoir la nostalgie de ce que je n'ai pas connu, poursuit-il, et je crois, étrangement, que ça pèse dans la balance, cette non-nostalgie: les gens saisissent que je n'imite pas, que je ne parodie pas, mais bien que je me réapproprie certains codes musicaux pour les réactualiser à ma manière. Non, je n'ai pas grandi dans une cave avec une pile de vinyles», précise-t-il.

Ben l'Oncle Soul s'est fait connaître en 2008 sur YouTube, en reprenant à la façon soul des succès rock, tels Seven Nation Army des White Stripes ou Crazy de Gnarls Barkley. Il se met ensuite à écrire, en français et en anglais, des textes originaux qui plaisent aussi, notamment sa chanson (francophone) Soulman. S'il adopte d'abord le nom d'Oncle Ben (clin d'oeil au riz Uncle Ben), il opte finalement pour Ben l'Oncle Soul, histoire d'éviter les problèmes.

À ses chansons qui chaloupent et à sa voix juste assez éraillée et chaude, s'ajoute un don indéniable pour le look des années 70: vêtements de scène, pochette d'album, clips... y compris son incroyable «moustachette». «Je pense qu'une des raisons de notre succès, c'est qu'on a démontré dès le début qu'on ne se prenait pas au sérieux, qu'il y avait beaucoup d'humour dans le projet. C'est fait pour que ça danse, que ça bouge, avec parfois des sujets plus profonds, mais toujours dans la passion et le plaisir. L'idée, c'est de lâcher prise.»

«C'était important pour moi d'écrire rapidement mes propres chansons, après la sortie des reprises que j'ai faites, poursuit-il, et d'écrire soit en anglais, soit dans un français qui ne cherchait pas à s'américaniser. J'assume complètement les deux. De toute façon, l'idée, c'est d'abord et avant tout de raconter de petites histoires à mes proches, à ma famille. Ensuite, de les chanter en spectacle: on est neuf sur scène, on est contents de se serrer les uns contre les autres et que les gens soient là alors qu'ils pourraient faire tout autre chose de leur soirée.» Justement, son carnet de spectacles est rempli jusqu'en décembre!

On ne peut s'empêcher de lui poser la question: êtes-vous réellement toujours de bonne humeur, Oncle Ben? «Pas toujours, reconnaît-il en riant, j'ai des périodes ronchon, ma femme pourrait vous le dire. Mais en ce moment, j'aurais mauvaise grâce à être de mauvaise humeur!» En effet: outre le trophée de la révélation scène qu'il vient de remporter en France, il est en nomination dans trois autres «grosses» catégories pour la seconde partie des Victoires, qui aura lieu le 1er mars. Pas mal pour un gars de 26 ans qui s'apprêtait à devenir prof d'arts plastiques et dont la vie a pris un net virage quand il a mis en ligne ses versions soul de Barbie Girl d'Aqua ou I Kissed A Girl de Katy Perry.

«Tout juste avant de jouer à Montréal, conclut Ben, on joue à la Réunion, je vais encore avoir le soleil sur la peau en arrivant chez vous, alors préparez-vous, ça va fondre quand j'arriverai au Club Soda! Chauffeur, vous pouvez tourner à gauche?»

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Ben l'Oncle Soul, ce soir au Club Soda, 20 h, dans le cadre de Montréal en lumière.