Quand on pense Portugal, on pense généralement sardine et morue salée. Peut-être un peu chouriço, cette délicieuse saucisse fumée typiquement ibérique, que l'on sert tranchée à l'apéro ou apprêtée dans mille plats. Pourtant, le Portugal est un pays gastronomiquement beaucoup plus complexe que ces quelques spécialités. Comme les autres pays du sud de l'Europe, sa cuisine est construite sur des traditions ancestrales fleurant l'huile d'olive, la tomate, le poisson, les herbes fraîches, mais aussi la viande séchée ou fumée, les légumineuses, les fruits et les verdures variées. Une culture à goûter.

Carlos Ferreira m'avait promis qu'on irait faire un tour à ce restaurant perdu dans les vallons du Barraida, Casa Vidal, car j'adooooore le cochon de lait, mais je ne m'attendais pas à tomber carrément face à face avec de petits leitões tout neufs. Des bébés roses, grognant délicatement dans le fond d'un enclos, dans une aile de l'établissement consacrée à la boucherie.

Dans ce restaurant spécialisé en cochon de lait, voyez-vous, on tue les bêtes sur place avant de les faire griller à la broche dans des fours à bois. Rassurez-vous, vous n'aurez pas à dire bonjour à Babe avant de le déguster bien rôti. Je vous raconte cela juste pour vous dire à quel point on prend la qualité de la viande au sérieux.

L'élevage industriel, l'abattage robotisé, la déconnexion totale entre la bête et l'assiette, non merci.

Pas étonnant que, au repas, la viande soit exquise (la chair n'est jamais réfrigérée), que les voisins de table commandent des oreilles grillées et que le plat de riz servi en entrée soit préparé avec les abats.

Épaule, ventre, tripes...

Au Portugal, contrairement au cliché, on ne mange pas uniquement des sardines grillées, de la morue salée et du chouriço. Le menu y est pas mal plus complexe. L'une des choses qui frappent en arrivant - et j'imagine qu'on le constatera aussi durant le passage des chefs portugais au festival Montréal en lumière -, c'est à quel point les plats de viandes sont originaux.

Oubliez le steak ou le gigot tout simple.

Pensez épaule, ventre, pattes, tripes...

Oubliez le boeuf. Pensez cochon de lait, agneau, chevreau, perdrix...

Traditionnellement, quand on tue une bête, rien ne se perd. On mange tout. Comme il faudra apprendre à le faire en Amérique du Nord si on veut réinventer correctement et écologiquement notre alimentation en viande. Après avoir pris soin de le nourrir, de l'élever et de l'abattre de façon naturelle et respectueuse, ne pas jeter la moitié de l'animal est la moindre des choses. Et parmi les gastronomies qui ne gaspillent rien, la portugaise fait bonne figure.

Porto, la grande ville du Nord, est le royaume de la tripe. La salade d'oreilles de cochon fait partie des petiscos (sorte de tapas) courants. À table, si vous mangez du chevreau grillé (un délice typique), on vous offrira peut-être la tête entière, que l'on creuse pour goûter aux joues, notamment. Rien n'est perdu. Tout, de la tête au museau, en passant par les boyaux et le cou, se retrouve dans les saucisses et saucissons, ragoûts, boudins et terrines. De gésiers frais ou d'un ou deux pieds de cochon, on fera un mijoté. D'un estomac, une spécialité. Dans un restaurant de l'Alentejo, Toba Lobos, on nous a même offert du gras pur, du lard, grillé. Un délice. Tout comme la farinheira, une saucisse à base de gras et de farine.

Vive le végétal

Lourd, tout ça?

Pas vraiment car, comme dans toutes les gastronomies traditionnelles européennes du Sud, le poisson, mais surtout les légumineuses et les verdures occupent aussi une place importante. Partout au Portugal, par exemple, on sert les feuilles du navet, appelée grelos ou espigos, avec le plat principal, une verdure qui ressemble aux rapinis italiens. Généralement, ils ont été tout simplement assouplis dans un peu d'huile d'olive, à feu doux, avec ail et sel. Le chou est aussi très présent et on le sert en salade ou alors dans la fameuse soupe caldo verde, très populaire.

Aussi, du côté végétal, on accorde beaucoup de place aux haricots et aux pois chiches, dont on fait des salades, des mijotés, des soupes. Dans l'Alentejo, chez Adega Velha, j'ai mangé un potage tomaté particulièrement savoureux où les pois chiches éclataient joyeusement sous la dent. Chez le célèbre chef Vitor Sobral, à Lisbonne, à son restaurant appelé la Tasca da Esquina, j'ai dégusté un ragoût de pois aux flocons de calmars frits avec oeuf poché dont je me rappellerai longtemps.

Et les petits poissons

Évidemment, au Portugal il y a aussi le poisson et les fruits de mer. La côte est vaste. La mer omniprésente. Et les Portugais consomment beaucoup de poisson, à commencer par la morue salée, un poisson dont on sait que les stocks sont en baisse et doivent être surveillés de près.

Le Portugal n'est pas donc pas à l'abri de toute critique sur sa consommation de poisson, mais il a cependant beaucoup d'idées à offrir pour la consommation des fruits de mers et petits poissons vers lesquels il faut se tourner.

Le premier de ces petits poissons est évidemment la sardine, qui se mange partout sur la côte, en saison, d'avril à novembre. Souvent, elle est grillée ou alors, technique typiquement portugaise, préparée en escabèche, c'est à dire servie avec ou carrément cuite par la chaleur d'un liquide vinaigré assaisonné, dans lequel on aura ajouté oignons et même tomates.

Le Portugal est aussi friand de calamars, un autre produit de la mer que l'on peut consommer sans inquiétude écologique, qui se mangent farcis à toutes sortes de choses, en commençant par le chouriço, une spécialité à essayer.

Au menu, on trouve aussi des tonnes de coques, de moules, de crevettes, mais aussi de petits poissons comme l'épinoche ou le maquereau. Et ce qui est intéressant, c'est que tous ces poissons sont souvent préparés avec des recettes «terre-mer», où l'on combine le parfum fumé des lardons, par exemple, avec celui des crevettes ou de l'épinoche. Un des plats portugais très populaires, d'ailleurs, est le mijoté palourdes-porc, servi avec beaucoup de coriandre - il y a de la coriandre partout dans la cuisine portugaise - et cuit dans une cataplana, une cocotte typique.

À essayer.

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Le transport pour ce reportage a été payé par Swiss et l'hébergement offert par le Four Seasons de Lisbonne, le Sheraton de Porto et la Quinta Da Dourada de Portalegre.