Pendant le festival Montréal complètement cirque, on a vu des mariages avec le théâtre et la musique, du cabaret traditionnel et du cirque de demain. Hier à l'Usine C, la troupe finlandaise Circo Aero s'est plutôt rapprochée de l'esprit de la performance en arts visuels avec Ro-pu, une variation sur le thème de la corde intéressante, mais froide.

Avec son esthétique dépouillée, ses projections vidéo abstraites et la musique électronique envoûtante faite en directe, Ro-pu propose une ligne artistique très claire. On n'est pas ici dans la chaleur des saltimbanques, l'humour du burlesque ou la performance spectaculaire: chaque geste est pensé, étudié, réfléchi.

Le résultat est un spectacle d'une lenteur qui tranche avec la frénésie et le rythme accéléré des spectacles de cirque. Dès le début, une des deux acrobates reste longuement accrochée à une corde lisse, comme lovée dans un cocon, et y bouge à peine, se laissant doucement glisser. La plupart des numéros qui suivent sont exécutés dans le même esprit minimaliste.

Le problème

Qu'on adhère ou pas à ce parti pris contemporain et léché, Circo Aero ne fait pas dans le racolage, et la troupe va au bout de son idée. Le problème de Ro-pu reste le thème de la soirée, et surtout la manière dont il est décliné. L'idée de construire un spectacle autour de la corde lisse est bonne. Mais un spectacle mettant en scène deux acrobates aériennes, qui se passe davantage au sol que dans les airs, laisse dubitatif.

Bien sûr, les deux femmes ne peuvent être accrochées à une corde pendant une heure. Mais les numéros de manipulation au sol avec des bouts de corde, qu'elles effectuent avec leur collègue jongleur et un peu clown, finissent par tous se ressembler -pendant combien de temps peut-on regarder quelqu'un faire tourner une corde sans penser à autre chose? -, et même à frôler le ridicule - voir le numéro de dressage de corde.

Moments brillants

Dommage, parce que certains moments sont simplement brillants et ingénieux. Comme celui où les trois artistes sont couchés sur le sol, une longue corde à leurs pieds, et que l'image projetée sur le mur, qui ressemble à du cinéma muet, donne l'impression qu'ils marchent sur un fil de fer et peuvent effectuer toutes sortes de figures impossibles.

Finalement, les deux acrobates offrent un long numéro de corde lisse, qui commence lentement bien sûr, chacune à son bout de la scène, et qui va en s'accélérant, suivant le tempo de la musique électronique, toujours plus vite et prenant. Les cordes surgissent du plafond l'une après l'autre - à la fin, il y en a huit-, et les deux femmes, souvent en synchronisation, montent, descendent, remontent, se laissent tomber, recommencent, changent de corde, dans un superbe ballet aérien qu'on attendait depuis le début du spectacle. Magnifique, comme les cordes attachées et enroulées qui forment un arbre comme dernière image, mais trop tard.

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Ro-pu, à l'Usine C à 20 h, jusqu'à samedi.