C'est la troupe australienne C!rca qui a donné le coup d'envoi jeudi soir au festival Montréal complètement cirque avec sa toute nouvelle création Wunderkammer. Cette «chambre des merveilles» (littéralement) est peut-être difficile à définir, mais amène clairement l'art du cirque un peu plus loin.

Du cirque, de la danse, du burlesque, Wunderkammer fait un véritable alliage des genres. Son fil conducteur: la force du corps dans sa plus simple expression, démontrée par les six interprètes-acrobates multitalentueux qui passent d'ailleurs tout le spectacle à enlever des vêtements. Si c'est la plupart du temps justifié - le strip-tease masculin sur trapèze, par exemple, est à la fois drôle et véritablement périlleux-, le processus devient quand même un peu répétitif et n'est pas toujours une valeur ajoutée.

Mais c'est un rare bémol pour un spectacle efficace et sans artifice: aucun décor, quelques accessoires, des interprètes en sous-vêtements noirs avec des touches de rouge - voire les chaussures à talons vertigineux des trois filles-, la scène est pratiquement nue, comme ceux qui l'habitent. Les numéros n'en sont que plus prenants, mis en valeur par une musique omniprésente, allant du jazz à la musique pop, d'une fugue à un tango.

Wunderkammer ne fait pas nécessairement dans le spectaculaire. Les numéros aériens, notamment, sont rares. C'est la puissance qui est mise de l'avant, l'intensité avec laquelle chaque mouvement est exécuté. Du numéro de cerceau fait à la manière d'une poupée mécanique, à celui où les corps sont balancés et lancés sans ménagement, la virtuosité des interprètes est doublée d'une énergie qui balaie tout sur son passage.

Les «classiques» du cirque sont également pris à contre-courant. Dans un numéro d'acrobatie au sol, ce sont autant les femmes que les hommes qui portent leurs collègues sur leurs épaules, sur leurs têtes, accrochés à leur corps. Le trapèze, lui, n'est pas prétexte à un numéro de haute voltige et sert davantage d'appui pour les corps qui basculent et se grimpent dessus dans un numéro d'équilibre vraiment original.

Moment fort du spectacle, le numéro de corde est aussi époustouflant que poétique. Éclairée à contre-jour, l'acrobate, dont on distingue seulement des parties du corps, semble carrément flotter à mesure que la force de la lumière augmente et qu'on voit de moins en moins la corde. Encore une fois, C!rca ne fait pas les choses comme les autres: lorsque la jeune femme redescend, le numéro est loin d'être terminé et la voilà qui marche sur les têtes de ses collègues, poussant son endurance à la limite. Renversant.

Il y a des prouesses techniques dans Wunderkammer, mais l'humour n'est jamais très loin dans cette ambiance de cabaret où tout le monde a son petit moment burlesque: le numéro de strip-tease (encore!) avec diachylons, celui de contorsion avec un minuscule cerceau, cet autre où une interprète frotte un micro sur son corps et produit plein de bruits étranges, ou le numéro de danse sur tapis de bulles qui reproduit exactement le son des souliers à claquette.

La danse est d'ailleurs partout dans ce spectacle aux influences multiples et s'intègre parfaitement à sa mise en scène foisonnante. Là, on distingue des mouvements à la La La La Human Steps, ici, une performeuse fait un numéro d'équilibre sur de minuscules blocs de bois avec ses chaussons de ballet, terminant les deux pieds sur un seul bloc. Un alliage parfait des deux disciplines.

À la fin, on se dit qu'on a peut-être vu un spectacle inclassable, mais que sa magie, sa drôlerie et la performance éblouissante de ses interprètes en font un réel événement.

Wunderkammer, jusqu'au 16 juillet à la TOHU.