Âgé de 29 ans, l'artiste de cirque breton Étienne Saglio est l'une des figures montantes de la «magie nouvelle». De passage à Montréal pour la première fois, il nous présente son spectacle Le soir des monstres, qu'il a créé en 2009. La Presse l'a rencontré hier, à la veille de sa première.

Étienne Saglio jongle depuis l'âge de 6 ans. Pas étonnant que ce Breton de Rennes soit passé par les écoles de cirque françaises. D'abord à Châtellerault, dans la région Poitou-Charentes, puis au Centre des arts du cirque de Toulouse, et enfin au réputé Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne (CNAC), près de Reims.

Petit à petit, le jeune homme a combiné son talent de jongleur à celui d'illusionniste, en sautant à pieds joints dans le courant théâtral de la magie nouvelle.

Q: À quel moment la magie a-t-elle pris le pas sur la jonglerie?

R: À la fin de ma formation à Châlons-en-Champagne, en 2006, j'ai suivi une formation avec Raphaël Navarro, qui a d'ailleurs coécrit Le soir des monstres. Lui aussi vient du milieu du cirque, mais il est devenu une figure importante de la magie. En fait, c'est lui qui a théorisé le courant de la magie nouvelle.

Q: Comment décririez-vous le courant de magie nouvelle?

R: C'est un peu comme le cirque, il y a 30 ans, qui a délaissé les animaux. Il y a eu des changements similaires dans le monde de la bédé, qui était d'abord destinée aux enfants. C'est pareil pour la magie nouvelle. On a voulu en faire un art à part entière, pour raconter le monde à travers la magie. Pas seulement pour divertir les gens.

Q: D'où vient ce titre: Le soir des monstres?

R: En France, le soir des monstres, c'est le soir où l'on dépose sur le trottoir des objets encombrants comme un vélo ou une machine à laver. Une fois par mois, un camion de la mairie passe dans les quartiers et ramasse tous ces objets. Tous les objets de mon spectacle viennent de la rue, à commencer par mon manteau, que j'ai trouvé dans une poubelle à Stockholm.

Q: Parlez-moi du concept du spectacle.

R: C'est l'histoire d'un homme seul. Quand l'esprit s'ennuie, on imagine des choses, c'est impossible de retenir notre cerveau. Donc, il s'imagine des choses. Il joue avec les objets autour de lui, s'imagine par exemple qu'un tuyau d'aération est un serpent qui l'attaque. Mais il perd un peu le contrôle de son imaginaire. Il a de plus en plus de mal à faire la différence entre le vrai et le faux et bascule jusqu'à une certaine folie.

Q: C'est drôle ou non, comme spectacle?

R: L'ambiance est un peu sombre, mais c'est un spectacle où les gens rigolent beaucoup. C'est très burlesque. Le rire bascule jusqu'à devenir inquiétant. Un peu comme dans les contes, au fond.

Q: Comment s'exprime la magie dans ce scénario?

R: C'est une écriture qui ne fonctionnerait pas sans la magie. Parce qu'on a à la fois accès à ce que voit le personnage, mais aussi, grâce à la magie, à ce qu'il imagine dans sa tête. Si le personnage s'imagine que le tuyau l'attaque, c'est ce que les gens vont voir.

Q: Votre personnage est un illusionniste?

R: Le personnage est à la fois maladroit et manipule les objets avec virtuosité. Mon personnage joue avec cette maladresse, un peu à la manière d'un Pierre Richard, parce qu'il va essayer de maîtriser les objets, mais ces objets vont se rebeller en tombant ou en se prenant dans ses pieds.

Q: Donnez-moi des exemples de ce qu'on pourra voir.

R: Outre le tuyau d'aération qui attaque mon personnage, il y a aussi des balles en ferraille que je fabrique. Je leur greffe des ailes et elles se mettent à voler dans la salle. C'est un moment fort du spectacle. Il y a aussi un sceptre en métal qui se ramollit lorsque mon personnage se prend un peu trop au sérieux. Au moment où je me la pète, il me fait trébucher...

Q: Il y a beaucoup de trucage alors...

R: Oui, il y a plusieurs techniques de trucage, mais comme dans la magie traditionnelle, on garde le secret. C'est un solo, mais il y a trois personnes dans les coulisses. Il n'y a aucune raison d'éduquer le public au trucage, parce que le trucage, c'est de l'illusion. Si on lui apprend comment ça marche, ça s'appelle de la désillusion et ça peut être triste.

Q: Vous travaillez sur un deuxième spectacle?

R: Oui, depuis deux ans déjà. Je prends toujours beaucoup de temps. J'ai mis cinq ans à créer Le soir des monstres. Mon deuxième spectacle s'appelle Les limbes. Ce n'est pas Le soir des monstres 2, mais c'est dans le prolongement de ce que je fais, bien sûr. C'est encore plus magique, je crois.

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Au Théâtre Outremont, du 10 au 13 juillet.