Spectacle collectif mettant en vedette six acrobates, 7000 coquilles d'oeufs et 350 briques d'équilibre, Six pieds sur terre sera pour la troupe française Lapsus l'occasion de vérifier si son style «européen» est de nature à plaire à un public québécois averti, habitué aux prouesses techniques et à l'esthétique recherchée de ses troupes locales.

«Nous avons vraiment envie de présenter ce spectacle au Québec, dit au téléphone un des membres de la troupe, le jongleur Stéphane Fillion. Mais c'est une vraie pression, car nous ne naviguons pas dans le même univers que des compagnies comme Éloize ou Les 7 doigts de la main, où les enjeux techniques sont souvent plus grands. De notre côté, le supplément d'âme se retrouve souvent dans une forme d'engagement individuel, où chaque artiste est fait de chair et de sang.»

L'idée derrière la fondation de Lapsus n'est pas si différente de ce qui a mené à la naissance de plusieurs compagnies québécoise depuis une dizaine d'années: celle de faire un cirque à son image et d'en maîtriser tous les éléments.

La troupe est composée de six acrobates - cinq garçons et une fille - qui se sont connus en faisant du cirque amateur il y a plus de 15 ans. Après s'être perfectionnés dans les écoles de cirque françaises et avoir travaillé chacun de leur côté, les six copains se sont retrouvés en 2009 pour fonder Lapsus, devenu ensuite un véritable laboratoire de création.

«Il était très clair qu'on ne solliciterait pas un metteur en scène qui nous ferait seulement travailler comme interprètes. C'est essentiel dans notre démarche artistique d'être créateurs et auteurs», expliqu le jongleur Stéphane Fillion.

C'est Johan Lescop, leur ancien professeur devenu directeur artistique de l'école de cirque de Lyon, qui a été embauché pour aider la troupe à organiser et écrire le spectacle. Mais Six pieds sur terre est véritablement le résultat d'un travail d'équipe.

«C'est nous qui avons apporté la matière, proposé les tableaux. Mais nous n'avions pas toujours le recul nécessaire pour faire les choix, alors c'est lui qui arbitrait. Ce n'est pas toujours facile, la création collective, parce que les avis se multiplient, mais, d'un autre côté, nous nous connaissons tellement bien que cette complicité nous a fait gagner un temps fou.»

Espoir

Ils sont ainsi partis de leurs spécialités - monocycle, jonglerie, portés acrobatiques, équilibre - pour créer Six pieds sur terre, qui racontent l'histoire d'un groupe d'amis «vivant dans le souvenir d'un conflit passé». Un spectacle qui ne traite pas tant de la guerre, explique Stéphane Fillion, que de ce qu'on peut faire pour se réapproprier le monde.

«Avec des éléments du décor, des briques de bois et les coquilles d'oeufs, on va réinventer de nouveaux espaces de jeu et proposer quelque chose qui est porteur d'espoir.»

Mais d'où est venue cette idée de parsemer la scène de coquilles d'oeufs, sûrement l'élément le plus intrigant de ce spectacle? «C'est né de manière empirique. Un jour, on s'amusait comme des gamins avec des oeufs, puis on a fini par se rendre compte que ça pouvait être intéressant. La première chose qu'on a travaillée, c'est de faire passer un monocycle à travers des coquilles: on trouvait ça très fort, la précaution que ça demandait. On en a apporté de plus en plus, la plupart utilisées entières, d'autres en miettes, jusqu'à en avoir 7000 sur scène...»

Même développement exponentiel avec les briques d'équilibre, qui sont passées de 50 à 350 avec le temps. «C'est l'élément fort du spectacle, qui permet de construire et de déconstruire les installations des différents tableaux.»

Léger et grave

Tout dans les tons patinés d'ocre, de jaune et d'orangé, Six pieds sur terre sera un mélange fait de ludique et de léger - «C'est ce qu'on est fondamentalement comme groupe, généreux et enthousiaste» - et d'émotion plus grave.

«Nous voulions montrer qu'un collectif a parfois ses failles, et que l'être humain, tout comme l'artiste, se révèle là-dedans», laisse entendre Stéphane Fillion.

L'esprit de groupe reste le fondement du spectacle: si chacun pousse le plus loin possible sa spécialité - «Nous voulons défendre tout ce que nous savons faire, sans nécessairement donner dans le registre de la performance» -, il peut toujours prendre appui sur les autres. Il n'y a pas, ou peu, de numéros solos dans ce spectacle.

«Nous voulions voir comment le collectif peut s'intégrer d'une manière ou d'une autre dans le travail de soliste. Voir comment le groupe peut être en soutien, en confrontation, en opposition, au service du spécialiste.»

Une manière de montrer toute la place que prend le collectif dans leur travail. «C'est essentiel pour nous, et le public doit ressentir cette force qui émane du groupe.»

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Du 5 au 8 juillet au Théâtre Outremont