Dans Séquence 8, qui a ouvert le Festival Montréal complètement cirque il y a deux ans, Les 7 doigts de la main s'intéressaient au groupe et à l'influence qu'il avait sur ceux qui le composent. Pour son nouveau spectacle, Intersection, qui a donné hier le coup d'envoi du festival, ce sont plutôt les liens qui se font et se défont qui sont au coeur du propos.

Intersection est un spectacle en partie immersif : on entre dans la salle circulaire de la TOHU en passant par différents univers, un loft, un café, un grenier rempli de vieilleries, des coulisses. Au centre, là où se croisent deux passerelles et où les destins se frôleront et se joueront pendant une heure et demie, des acrobates de la troupe donnent un aperçu de ce qu'ils savent faire. Une vingtaine de minutes plus tard, les spectateurs vont s'asseoir au son de La journée qui s'en vient est flambant neuve, d'Avec pas d'casque.

Une chanson évocatrice de ce qui se produira ensuite, puisque tous les personnages d'Intersection sont à la croisée des chemins, cherchent plus, mieux, différent, et doivent faire des choix. On apprendra à les connaître dans d'amusantes entrevues vidéo, qui viennent ponctuer les différents numéros.

Intersection, qui a été créé en 25 jours - c'est ce que sont venus dire les metteurs en scène, Samuel Tétreault et Gypsy Snider, à la fin de la représentation -, manque clairement d'allant. L'immersion, aussi sympathique soit-elle, reste un morceau « en attendant » le spectacle. Les médaillons lumineux portés par les spectateurs, qui s'allument dans certains numéros, sont une gammick plutôt charmante mais n'ajoutent pas grand-chose. Et surtout, de longs numéros d'enchaînement, qui prolongent et s'ajoutent aux vidéos, s'étirent en longueur et ont peu d'intérêt, tant sur le plan de la narration que de la performance. La visite du Louvre, par exemple, manque de punch, et les scènes où les personnages racontent des bouts de vie, écrivent ou lisent en bougeant, sautant ou se contorsionnant, finissent par être redondantes.

Tout cela crée en fait une surabondance de niveaux de narration qui finit par tuer dans l'oeuf un spectacle qui ne manque ni de bonnes idées, ni de talent. Chaque numéro est spectaculaire, porté par des acrobates au sommet de leur art - dont plusieurs sont des habitués des 7 doigts - et qui livrent des performances d'une fluidité technique ahurissante. Au mât chinois, au diabolo, au cerceau aérien, chacun brille et semble en état de grâce. Ils se retrouveront tous en fin de spectacle autour d'une vieille BMW qui leur servira de tremplin, de cerceau ou d'obstacle à surmonter dans un numéro de groupe urbain à l'image de ce décor fait de matériaux recyclés et de musique remixée - Get Lucky dans un style lyrique, intéressant !

Est-ce que l'absence de la huitième acrobate, Danica Gagnon-Plamondon, blessée lors de l'avant-première mercredi, a enlevé du rythme au spectacle qu'on a vu hier soir ? C'est possible, même si la troupe a réussi à se virer de bord en à peine 24 heures pour que rien n'y paraisse à sept plutôt qu'à huit.

Mais il reste que Les 7 doigts, qui n'ont jamais caché leur goût pour les spectacles bavards et les interrogations existentielles, nous ont habitués à plus au cours des dernières années que ce spectacle en demi-teintes. Comme leurs personnages, ils ont essayé un nouveau chemin et c'est tout à leur honneur. Le temps nous dira s'ils ont pris la bonne décision.

Intersection, à la TOHU jusqu'au 13 juillet