Pour la deuxième fois en cinq ans, ce sont les 7 doigts de la main qui donneront le coup d'envoi du Festival Montréal complètement cirque. La compagnie de cirque montréalaise s'est inspirée de son expérience new-yorkaise pour créer Intersection, à l'affiche dès le 2 juillet. Un spectacle immersif déployé sur deux passerelles qui se croisent.

Pour créer Intersection, les cofondateurs de la troupe des 7 doigts de la main, Gypsy Snider et Samuel Tétreault, ont revu les films 360 de Fernando Meirelles, 21 Grams d'Alejandro Gonzalez, Magnolia de Paul Thomas Anderson, Les uns et les autres... Tous des films où les destins des personnages se croisent.

Leur objectif : créer un spectacle acrobatique chorale, où huit personnages fictifs se croisent à différents moments de leur vie. Dans le dernier tableau, un événement marquant bouleversera d'ailleurs leur vie. « Pendant toute la durée du spectacle, on va apprendre à connaître leur passé pour comprendre leur présent et les choix de vie qu'ils feront », explique Gypsy Snider, qui a participé à la création de Loft, Traces, A Muse et Pippin des 7 doigts.

Le titre du spectacle, Intersection, se réfère à la croisée des chemins que nous vivons. « On arrive tous de quelque part, détaille Gypsy Snider. Après, on peut aller à gauche, à droite, devant ou derrière. Et c'est ce moment-là qui est intéressant. L'image d'une foule qui se croise dans une intersection est très forte. On pourrait tous se rentrer dedans, mais chacun se fraie un chemin. »

« Cette idée-là d'une pièce chorale existe depuis trois ans, poursuit Gypsy Snider. Mais on n'avait pas encore trouvé la forme. On a eu vraiment trop de plaisir à créer le spectacle immersif Queen of the Night à New York [au Diamond Horseshoe de l'hôtel Paramount]. On a cherché à trouver une couleur semblable pour Intersection. Pour que le spectateur soit au centre du spectacle. »

Le premier objectif des 7 doigts a été d'utiliser la circularité de la scène de la TOHU, comme l'a fait plus tôt cette année Robert Lepage avec ses pièces Pique et Coeur.

« La circularité de la scène n'est à toutes fins utiles jamais utilisée, lance Gypsy Snider. Dans sa configuration habituelle, c'est difficile de créer une ambiance électrique. Une fois les gradins disposés à 360 degrés, on voulait créer un spectacle où le spectateur se promènerait dans un musée ambulant de personnages et de lieux. Un spectacle où il pourrait interagir avec les artistes. »

Durant la première partie du spectacle, les spectateurs seront donc libres de circuler là où ils veulent. Quatre installations scénographiques seront placées à chacune des extrémités des deux passerelles qui se croisent. Les huit personnages interpréteront de courtes scènes à la fois théâtrales et acrobatiques. Plus tard, ils se confieront dans de courtes vidéos diffusées pendant le spectacle.

Pour créer ce spectacle, les 7 doigts se sont tournés vers des vétérans de la compagnie. Des artistes qui ont notamment joué dans Traces, Psy et A Muse. Héloïse Bourgeois, Will Underwood, Raphaël Cruz et Danica Plamondon forment le noyau dur d'Intersection. Les deux artistes chinois Song Enmeng et Pan Shengnan ainsi que la Québécoise Sabrina Aganier ont également joué dans A Muse au Mexique. Matias Paul a quant à lui été vu dans Le murmure du coquelicot.

Tous ceux qui ont vu Loft à la TOHU il y a 10 ans s'en souviennent. On entrait dans la salle de spectacle en passant par la porte du frigo qui se trouvait sur la scène.

C'est dans ce même esprit de rapprochement avec le spectateur que Gypsy Snider et Samuel Tétreault ont conçu Intersection. « C'est intéressant parce que le public voit la scène d'une autre perspective, nous dit Gypsy Snider. L'idée d'être sur le terrain de jeu du spectacle, avant que ça ne commence, je trouve ça intéressant. Cette fois, les gens pourront s'arrêter aux quatre stations durant la première demi-heure du spectacle. »

Le concept de la vidéo a permis aux 7 doigts de mieux présenter les personnages. « Pour qu'on s'attache un peu à eux, explique Gypsy Snider. Les performeurs de cirque ne m'intéressent pas. Je suis tannée de voir de belles personnes faire des figures parfaites dans des spectacles qui ne sont que simple divertissement. Je veux que les gens se reconnaissent dans ces personnages, dans leurs travers. Je veux qu'ils soient touchés. »

Selon Gypsy Snider, les personnages ont tous un côté pathétique. « Ce qu'ils ont en commun, c'est qu'ils cherchent tous à combler un vide. C'est ce qui les fait avancer. J'essaie de comprendre ce que les personnages veulent. J'essaie d'identifier leurs manques. Pourquoi on en veut toujours plus ? Pourquoi on prend tout le temps des mauvaises décisions. Je regarde les gens autour de moi, et j'essaie de comprendre. »

Séquence 8, créé il y a deux ans, évoquait justement les rencontres déterminantes que l'on fait dans la vie. Mais selon Gypsy Snider, Intersection va encore plus loin. « C'est différent parce qu'on a donné vie ici à des personnages. On a un scénario très détaillé, mais je ne tiens pas à ce que les gens décodent tout. Pourvu qu'ils ressentent quelque chose. Je veux créer un monde absurde basé sur des êtres humains qui ont de vrais parcours. »

Mât chinois, acrobaties au sol, parcours, anneaux chinois, diabolo et trapèze seront les disciplines de cirque à l'honneur.

Autre détail important : tous les accessoires d'Intersection ont été récupérés dans des « cours à scrap », incluant une vieille BMW. On retrouvera aussi des accessoires provenant des spectacles précédents des 7 doigts. Les costumes ont été achetés au Village des valeurs. « J'aime l'idée des accessoires recyclés, de leur donner une nouvelle vie. Ce n'est pas toujours nécessaire de construire avec du neuf. »

La plus grande difficulté, dans Intersection comme pour tout spectacle de cirque, est la motivation de l'artiste selon la metteure en scène d'origine américaine. « Le plus difficile est de faire le pont entre un artiste et l'acrobatie qu'il s'apprête à faire. Pour que les gens croient à ça. Il faut que le numéro se fasse naturellement, selon la situation ou le personnage. Je ne veux pas que le public sache nécessairement pourquoi il est ému, mais je veux qu'il le soit. »

À la TOHU du 2 au 13 juillet.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La metteure en scène Gypsy Snider entourée des huit interprètes d'Intersection. L'idée de ce spectacle lui trottait dans la tête depuis trois ans.

Les personnages

Le profil des personnages est inspiré des descriptions fournies par Les 7 doigts de la main.

MARIUS FIN (Berkley, États-Unis)

Interprété par Raphaël Cruz

Collectionneur compulsif et pianiste autodidacte, Marius a grandi dans une famille d'intellectuels et commence très jeune à collectionner toutes sortes d'objets. Il a de la difficulté à tisser des rapports humains, mais se définit par tous ces objets qu'il accumule.

GUAN XIAO-XIAO (Pékin,Chine)

Interprétée par Pan Shengnan

Xiao-Xiao entreprend des études en littérature selon la volonté de ses parents adoptifs, mais a toujours rêvé d'être danseuse. Le jour de ses 18 ans, ses parents lui remettent une série de cartes postales de sa mère biologique. Xiao- Xiao découvre que sa mère était une danseuse qui a dû l'abandonner afin de poursuivre sa carrière.

CHARLOTTE CHEVALIER (Lyon, France)

Interprétée par Héloïse Bourgeois

Ex-femme au foyer, Charlotte s'est mariée très jeune avec son premier amour. Veuve depuis peu, elle découvre néanmoins une certaine liberté. La jeune Française se liera notamment à Stanley Granger au cours d'un voyage à Chicago.

SONG FUGUI (Dongbei, Chine)

Interprété par Song Enmeng

Song a 10 ans quand son père quitte le foyer pour une femme plus jeune. Élevé par une mère joueuse et endettée, il décide de partir pour l'Amérique afin de l'aider. Il devient professeur de chinois. Dans sa quête amoureuse, il cherche à garder le meilleur de ses qualités d'homme oriental.

STANLEY GRANGER (Bloomington, États-Unis)

Interprété par William Underwood

Barman sans emploi, Stanley travaille fort pour ne pas sombrer dans l'alcoolisme comme son père. Abandonné par sa mère alors qu'il n'avait que 3 ans, il peine à trouver sa place dans le monde jusqu'au jour où il tombe sous le charme de Charlotte, qu'il rencontre à Chicago.

SONIA LAVALLÉE (Saint-Camille-de-Bellechasse, Québec)

Interprétée par Danica Gagnon-Plamondon

Sonia est mannequin depuis l'âge de 2 ans. Montréal devient sa base et le monde, son terrain de jeu. Les hommes se succèdent à ses pieds, mais derrière son sourire rubis « extra-glossy », Sonia cache une détresse et une lassitude face à l'univers superficiel de sa vie.

JACLYNA LAY (Verchères, Québec)

Interprétée par Sabrina Aganier

Élevée par des parents autoritaires et exigeants, Jacqueline Tremblay n'a jamais quitté le Québec. Elle a fait une croix sur son passé en changeant de nom. Elle rêve de devenir météorologue. Si elle veut être une vedette, c'est pour être aimée.

OSVALDO MURUA (El Bolson, Argentine)

Interprété par Matias Paul

Osvaldo a vécu une déprime fiscale en Argentine avant de s'installer à Montréal. Mais son âme argentine, enflammée et passionnée, se meurt au Québec... Il se marie avec Jaclyna pour obtenir ses papiers d'immigration, mais son mariage ne durera pas.