La troupe australienne C!rca a présenté hier soir au TNM un spectacle qui se rapproche de l'essence du cirque. Théâtre de corps épuré et sensuel, S mise sur la grâce des mouvements, la solidité des interprètes, l'humour caustique et même sur une petite pointe de sado-masochisme.

Cette nouvelle production de C!rca se passe essentiellement au sol: acrobaties, chorégraphies, main à main, banquine et contorsions sont effectuées à des rythmes différents, avec lenteur ou de manière accélérée - voire frénétique, dans le cas du numéro de hula-hoop -, sur une musique originale souvent proche du tango.

Les sept interprètes sont tous vêtus de noir: maillot pour les trois femmes, pantalon pour les quatre hommes, torses nus. Le décor est noir aussi, souvent éclairé par le côté ou par-derrière, le seul élément de couleur étant une bande rouge ou bleue qui apparaît parfois.

On avait déjà noté ce goût de l'épure il y a deux ans dans le fabuleux Wunderkammer, qui avait ouvert Montréal Complètement Cirque, mais l'ambiance de cabaret y était plus remuante. Cette fois, ce ne sont que des corps qui dansent et sautent, se prennent, se lancent et s'attrapent, indifféremment des sexes - une tendance équitable (et rare) notée aussi il y a deux ans.

Ainsi, les femmes et les hommes sont porteurs ou voltigeurs, se grimpent dessus, se bousculent... On sent parfois l'envie de se faire mal, pour se moquer un peu ou juste pour voir - une gestuelle poussée à l'extrême dans l'avant-dernier numéro, où l'un des acrobates, un micro collé sur la poitrine et un autre dans la bouche (oui oui!), reçoit des coups de poing de sa partenaire, qui lui saute aussi sur le ventre, histoire de vérifier le son obtenu...

Entre les spectaculaires numéros au sol, les deux seuls numéros aériens de S utilisent des éléments carrément détournés de leur vocation originale. Les tissus, par exemple, servent de partenaire au sol ou carrément de corde, retenus fermement par deux acrobates. Et les deux sangles se transforment en câble de balançoire pour un des interprètes, qui s'y couche et sert ainsi de trapèze pour les autres qui veulent s'y accrocher ou y grimper.

Les sept acrobates allient une force phénoménale, une immense confiance - il en faut lorsqu'on se laisse tomber de très haut par-derrière -, une fluidité parfaite de chaque geste et déplacement, ainsi qu'une précision quasi sans faille: malgré leur apparente inutilité, les bols d'eau en sont la preuve. Avez-vous déjà essayé d'avancer d'une épaule à l'autre avec un bol sur la tête?

Spectacle abouti, rigoureux et plus ludique qu'il ne semble, S réussit à nous tenir en haleine tout en restant sobre, avec beauté et simplicité.

_____________________________________________________________________________

Au TNM jusqu'à samedi, à 20h