La trapéziste Anna Ward fait partie de l'élite des acrobates depuis sa sortie de l'école en 2003. Celle qui a incarné l'ange chauve dans Rain du Cirque Éloize s'est lancée dans un projet très personnel où elle a pu toucher à plusieurs facettes de la création.

Entre une tournée avec le Cirque du Soleil et la conception du Voyage d'hiver, qui a duré trois ans, il y a un monde. «Ça ne se compare même pas!», lance en souriant Anna Ward.

Elle dit «adorer» ces deux faces de son travail, mais à 34 ans, la jeune femme originaire de Vancouver constate qu'elle se fait «vieille»... «La durée de vie d'un artiste de cirque de haut niveau n'est pas longue. Je suis mieux d'être intéressante à regarder, pas juste bonne!»

Sa rencontre avec le comédien et metteur en scène Benoît Landry lui aura permis de «donner un contenant» aux «idées flottantes» qui lui trottaient dans la tête depuis quelques années. «Ce spectacle n'existerait pas sans lui.»

Avec la compagnie de théâtre Nord Nord Est, Benoît Landry l'aura ainsi aidée à concrétiser ce qu'elle voulait exprimer à partir de son expérience et de sa virtuosité.

«Le cirque est considéré comme un art maintenant, mais ça n'a pas toujours été le cas. C'est une technique formidable qui s'autosuffit très bien. Mais j'ai toujours été intéressée par ce qu'on peut dire avec ça.»

Le voyage d'hiver est devenu pour elle le lieu de toutes les expérimentations. «L'idée du numéro, dans le cirque, est difficile à casser. C'est ce qu'on essaie de faire.» Expérience autant théâtrale que circassienne, ce «spectacle sensoriel» - dixit Benoît Landry - est constitué de vingt-quatre tableaux réunissant cinq artistes de cirque, une comédienne et une chanteuse lyrique.

«Nous présentons le spectacle dans un festival de cirque et ce n'est pas faux. Mais ce n'est pas juste ça», dit Anna Ward. Il n'y aura pas vraiment d'appareil de cirque sur scène, certains tableaux ne comporteront pas de cirque du tout, et les circassiens sont utilisés pour leur «présence physique» d'abord.

«Ce sont des acteurs physiques avec des aptitudes acrobatiques, capables de faire ce qu'ils font avec aisance et insouciance.» Par exemple de dire leur texte la tête en bas...

«Les artistes de cirque bougent de manière très articulée dans leur quotidien, ajoute Anna Ward. Ce sont des gens avec des extrêmes hors norme, qui ne s'en rendent même pas compte. Un artiste de cirque qui bâille ou qui s'étire, c'est extraordinaire à regarder!»

Spectacle multidisciplinaire

Toutes les composantes de ce spectacle multidisciplinaire, du son à l'éclairage en passant par les accessoires et les textes, ont une égale importance. Chaque tableau pourrait ainsi ressembler à une installation d'arts visuels, et si Anna Ward et Benoît Landry ont tracé un arc narratif très précis, les spectateurs n'y verront pas nécessairement une suite logique. «Les tableaux ont un lien très fort, mais à la fin, il n'y a pas de résolution des problèmes des personnages!»

De manière imagée et dans une ambiance un peu bric-à-brac, Le voyage d'hiver parlera de rituels réinventés, de l'art d'être ensemble, de l'importance de chaque geste, de prendre du temps pour soi et les autres.

Mais au-delà de la poésie, il y aura aussi un côté ludique. «Ah oui, les gens rigolent beaucoup. Il faut le dire en québécois: on est vraiment caves! On fait des niaiseries, on prend plaisir à être ridicules, à essayer des affaires pas de bon sens... Ce qu'on veut dire est très travaillé, mais on se fait plaisir aussi.»

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Le voyage d'hiver, à l'Espace Go, du 8 au 10 juillet.