Spectacle ludique et maîtrisé qui sent la sueur, Face Nord, présenté dans le cadre de Montréal complètement cirque, ne fait pas dans la dentelle. Les acteurs : quatre hommes, deux porteurs et deux voltigeurs. Leur scène : un grand matelas carré posé sur le sol, entouré de gradins.

Dans cet espace pas si grand, les quatre acrobates vont courir, se battre, se suivre, se lancer dans les bras l'un de l'autre, s'échapper, se grimper dessus ou se passer dessous dans toutes les positions et combinaisons possibles. Et comme quatre petits garçons dans une cour d'école qui ont l'air de se dire : «t'es même pas game», ils multiplient les défis les plus farfelus... et les plus dangereux.

Mais tout en se défiant, ils ont aussi besoin les uns des autres pour former leurs figures étranges qui ressemblent à des sculptures vivantes. Même pour avancer, ils sont dépendants : c'est ainsi que trois corps s'imbriquent et se placent pour permettre au quatrième de monter puis redescendre cette masse comme une montagne. Ou que les voltigeurs, debout sur les épaules de leurs partenaires, s'agrippent l'un à l'autre pendant que les porteurs se laissent aller par derrière, jusqu'à ce que les deux du dessus soient presque à l'horizontale... puis tombent.

Le droit à l'erreur et à la chute est en fait une des bases de ce spectacle, poussé à l'extrême lors d'une séance de sautoir d'un dos à un autre dos, augmentant la distance entre les deux gars à quatre pattes jusqu'à ce que le sauteur rate son coup. Une approche qui montre probablement encore plus que la perfection l'ampleur de l'effort physique et de la technique déployés pour arriver à faire certaines acrobaties.

La frugalité de la mise en scène - pas de décors, quasi absence de musique - met encore plus l'accent sur les imperfections comme sur les exploits. Ainsi, chaque geste, même le plus anodin, devient l'unique source d'attention. Les enfants plus jeunes se désintéresseront peut-être du spectacle pour cette raison, mais la performance de la troupe Un loup pour l'homme, qui a été fondée en 2005 par le porteur français Alexandre Fray et le voltigeur québécois Frédéric Arsenault, a suscité l'admiration évidente des spectateurs vendredi soir.

Une performance musclée certes, mais aussi étonnamment fluide - leur roue humaine, à la fin, est spectaculaire - drôle et émouvante. On ne peut qu'être touché par l'esprit d'équipe et de collaboration de ces quatre hommes forts qui n'ont peur ni du ridicule - certaines poses semblent franchement inconfortables -, ni de la douleur, ni du risque, ni de l'abandon. Un tour de force, littéralement.

Face Nord, à la gare Dalhousie jusqu'au 8 juillet.