Le clown Rodrigue Chocolat Tremblay est de retour en solo. Son nouveau Maestro sera présenté pour la première fois ce soir au festival Montréal complètement cirque, qui en a profité pour programmer un autre pro de l'art de faire rire, Philippe Trépanier, interprète de Clip! Beau jumelage pour un programme double qui s'annonce rigolo.

À 65 ans, Rodrigue Tremblay pourrait décider de se la couler douce. Surtout que le pionnier de l'art clownesque a derrière lui une carrière exceptionnelle qui l'a mené partout sur la planète pour travailler avec les plus grands, de Dario Fo au Cirque du Soleil. Mais celui qui a amorcé sa carrière de clown à 12 ans comme aide à l'encan d'animaux de Normandin, au Lac-Saint-Jean - «En fait, l'encanteur était mon straight man!» -, n'aime rien autant que se lancer dans le vide.

C'est ce qu'il fera ce soir et demain au Lion d'or pour ce nouveau spectacle qu'il n'a même pas «cassé» une seule fois, et qu'il souhaite ensuite faire tourner à l'international. «Est-ce que je vais me péter la gueule? Je pense que c'est un défi que je peux relever... Le solo n'est pas une nouvelle expérience pour moi. En même temps, chaque nouveau spectacle est une nouvelle expérience, parce que c'est de l'art vivant.»

Il a fait partie du célèbre trio Chatouille, César et Chocolat et de nombreuses troupes; reste que le solo est l'ultime casse-gueule parce qu'il nécessite un timing impeccable. Mais le vieux routier sait y faire et a choisi pour Maestro un sujet qu'il connaît bien: la musique, qui l'a accompagné au cours de nombreux spectacles. Son personnage, genre de touche-à-tout bricoleur, y jouera une quinzaine d'instruments réels ou inventés.

En vieillissant, Chocolat aime toujours autant faire rire, mais aspire aussi à émouvoir. «C'est mon expérience de vie qui m'amène vers la poésie, la souffrance, la tendresse... D'ailleurs, ce spectacle s'adresse d'abord aux adultes.»

Chocolat n'est pas un «clown triste», précise-t-il en rigolant, mais on le sent quand même dans un état de spleen philosophique et nostalgique, une période de bilan normale pour un homme de 65 ans. «J'ai eu une belle vie, qui a comporté son lot de difficultés. Mais je la revivrais 1000 fois, surtout maintenant que je sais comment ça marche!»

S'il s'estime meilleur clown qu'avant, il assure être animé du même feu sacré. Il n'arrête pas beaucoup, d'ailleurs, puisque parallèlement à Maestro, il est toujours occupé par le cirque Akya, sa troupe de saltimbanques créée il y a six ans. Son objectif est de lui trouver un lieu permanent où il pourrait installer son chapiteau et ses roulottes pendant trois mois chaque été.

Infatigable Chocolat, donc, qui estime avoir bien fait son boulot de défricheur. «J'ai voulu donner une place à l'art clownesque pour que les gens comprennent qu'il y a quelqu'un derrière. Montrer qu'un clown, ce n'est pas juste pour les fêtes d'enfants avec les ballons. D'ailleurs, les vrais bons clowns sont difficiles à trouver.»

Le Québécois Philippe Trépanier fait partie de cette catégorie sélecte des bons clowns. Le spectacle Clip!, mis en scène et créé en collaboration avec un autre pro, Yves Dagenais (Omer Veilleux), a été présenté aux Coups de théâtre, à Québec, et arrive enfin à Montréal. «Clip!, c'est l'histoire d'un gars d'entretien qui travaille dans un théâtre et qui doit préparer la scène pour une conférence internationale, explique l'ex-acrobate qui a été de la tournée Zarkana du Cirque du Soleil. Mais sur le thème «pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué», tout devient matière à gag, parce qu'il fait gaffe sur gaffe.»

Ce spectacle fait rigoler les enfants, mais Philippe Trépanier croit que les adultes s'y reconnaîtront aussi. «On fait tous des gaffes dans une journée!» Arrivé à l'art clownesque un peu par hasard, il n'hésite d'ailleurs pas à mettre à profit son talent d'acrobate. «Je ne fais pas de saltos, mais j'utilise mon adresse à mon avantage. Pour avoir l'air maladroit, il faut être adroit.»

Philippe Trépanier reconnaît le travail de pionnier de Chocolat et sait que cette génération ne l'a pas eue facile. Mais il estime que les clowns font toujours face à beaucoup de préjugés. «On pense Ronald McDonald, le gros maquillage, les ballons. Des fois, je préfère dire que je fais du théâtre physique... Les gens oublient que Buster Keaton et Charlie Chaplin étaient aussi des clowns!»

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Clip! et Maestro, ce soir demain et jeudi à 19h au Lion d'or.