Laurent Paquin anime cet été son 14e gala Juste pour rire, qui a pour thème l'humour engagé. Avec son complice à l'animation, le Français Jean-Luc Lemoine, il a préparé un spectacle où l'humour est parfois porteur de causes et peut mener à réfléchir (en riant, bien sûr!).

Le numéro le plus audacieux

L'humoriste Virginie Fortin (SNL Québec, Trop) est celle qui a été la plus audacieuse, hier, en présentant un bon numéro sur sa nouvelle personnalité de «féminazie» (oui, certains l'ont traitée ainsi cette année quand elle a pris publiquement des positions féministes). Si on peut contester le choix de présenter un tel numéro dans un gala grand public - la salle Wilfrid-Pelletier ne débordait pas d'énergie pendant son segment -, ses blagues faisaient vraiment réfléchir, le genre d'humour qu'on s'attend à avoir dans un gala qui se dit engagé. «Ma dernière année a été mon année la plus féministe, et laissez-moi vous dire que ce n'est pas facile d'être féministe. C'est plus facile d'être raciste que d'être féministe, selon une étude menée par Peter MacLeod», a par exemple dit Virginie Fortin, sourire en coin.

La première ovation

L'humoriste irrévérencieux Fabien Cloutier, qui a donné hier un sermon à son public qui se pense meilleur que la moyenne des Québécois parce qu'il vient à un spectacle d'humour engagé, est celui qui a eu droit à la première ovation. Pendant son trop court temps sur scène, il s'est lancé dans un monologue parfois absurde sur comment Dieu n'avait rien à cirer que la vie sur Terre progresse pour le mieux, alors qu'il a créé des poissons en Afrique qui se nourrissent essentiellement de peaux mortes d'hippopotames. «C'est-tu pas assez injuste à votre goût?! Si une jeune femme décide de manger les peaux mortes d'un acteur, c'est son choix, mais pas pour le poisson!»

Le coup de génie

Cette fois-ci, il faudrait dire «les coups de génie». La succession des numéros de Jean-François Mercier (excellent et pertinent, particulièrement quand il parle de politique américaine) et d'Emmanuel Bilodeau, qui imite si bien l'accent de René Lévesque, a été particulièrement savoureuse, hier. Mercier, toujours dans son personnage de gars fâché, a comparé nos différentes attitudes envers Donald Trump et Barack Obama, soulevant nos contradictions dans nos réactions envers ces deux présidents. Son numéro, qui tournait autour des fausses nouvelles, était à propos avec le thème du gala. Puis, l'arrivée d'Emmanuel Bilodeau, rafraîchissant avec son caractère très volatil, qui a plutôt parlé comme il sait si bien le faire de politique québécoise, a provoqué l'ovation la plus unanime, énergique et spontanée de la soirée. Un beau moment!

Le moins bon numéro

Le numéro d'ouverture entre Laurent Paquin et Jean-Luc Lemoine n'est pas le segment du gala qui était le plus recherché, hier. Revenant une fois de plus avec les éternelles blagues sur les problèmes de communication entre les Français et les Québécois, qui ont de la difficulté à se décoder mutuellement malgré leur langue commune, leurs répliques manquaient de mordant. Ainsi, Laurent Paquin croyait que son coanimateur était gai en raison de son accent - ce dont il s'est défendu, tout en précisant qu'il n'était pas homophobe. Bref, une série de blagues pas mauvaises, mais qu'on a souvent entendues. Heureusement que leur long segment «coucherais-tu avec», réalisé dans une manifestation sur scène, en compagnie d'Anthony Kavanagh, était bien meilleur.

Quelques répliques

«Moi, la chanson de Passe-Partout "j'ai deux yeux, tant mieux", ta yeule!»  - Dominic, du duo Dominic et Martin, parlant des personnes handicapées (Dominic n'a qu'un oeil fonctionnel)

«La réalité, c'est que vous n'améliorez pas le sort du monde parce que vous comprenez des jokes sur l'élocution de Joseph Facal.» - Fabien Cloutier, qui taquine son public qui assiste à un gala d'humour engagé

«Yo, Madame, t'es grosse pis t'es rousse et t'as l'air cochonne. Veux-tu finir ça chez nous?

 - Finir quoi? Ton éducation?!»  - L'humoriste Mélanie Couture, qui raconte comment un jeune l'a abordée une fois dans la rue

«Il y aurait peut-être moins de décrochage scolaire si on pouvait mettre des Passion Flakie dans le lunch de nos enfants!» - François Massicotte sur les restrictions alimentaires dans les écoles, dont le numéro a été chaudement applaudi et ovationné

Le verdict: il faut plus d'audace

Un bon gala Juste pour rire est une recette difficile à répliquer. Il manque parfois de piquant, de blagues grand public ou nichées, ou bien de sujets politiques... Hier, ces thèmes étaient présents lors de cette soirée Juste engagée, avec une dose bien prononcée de blagues grivoises. Pourtant, il manquait tout de même de folie et d'audace pour que ce gala lève comme il avait le potentiel de le faire. Ce ne sont pas les sujets d'actualité qui manquent... A-t-on voulu trop plaire à tout le monde, notamment à la fin, avec un numéro musical qui détonnait franchement avec le reste de la soirée? Difficile à dire. Ce qui est bien, toutefois, avec ce festival, c'est qu'aucune soirée ne ressemble aux autres et qu'on passe vite au prochain gala.