Le retour à Montréal de Cheech and Chong, après une absence de 37 ans, a donné lieu à un gala fort sympathique, vendredi soir au Théâtre Saint-Denis. En trois petits numéros, les deux humoristes ont exploité les thèmes qui les ont rendus célèbres: la dope, l'humour scato un peu ado mais totalement assumé et l'immigration mexicaine aux États-Unis.

Ils ont d'abord répondu aux questions de madame Chong, Shelby de son prénom, qui avait brièvement réchauffé la salle en racontant sans surprise aucune son trip d'acide dans un supermarché. «Cheech est le premier Mexicain que je connais qui s'est introduit aux États-Unis en passant par Vancouver», a dit Chong. «Je ne suis pas allé à Vancouver pour fuir la conscription, mais pour m'enrôler dans une armée secrète qui avait pour mission de  combattre l'invasion vietnamienne des États-Unis à partir du Canada», a corrigé Cheech.

Aucune trace de leur séparation acrimonieuse qui a duré 25 ans et dont ils rigolent aujourd'hui. Les deux hommes sont de vieux complices que l'on soupçonne de ne pas trop répéter leurs numéros. Celui un peu pipi-caca des deux chiens dans les rues de Verdun avait tout d'un numéro de burlesque à moitié improvisé, mais n'était pas moins efficace pour autant. À la toute fin, ils on chanté Mexican Americans devant un drapeau américain où les étoiles étaient remplacées par des sombreros et les lignes blanches horizontales, par des joints.

Sinon, Cheech Marin et Tommy Chong ont présenté très succinctement neuf stand-up comics des États-Unis, de l'Australie, du Royaume-Uni et du Canada qui se sont presque tous établis à Los Angeles. Concurrence oblige, ces humoristes fort différents l'un de l'autre ont mis au point une mécanique redoutable qui leur permet de se faire apprécier d'un public qui les connaît à peine ou pas du tout dans un gala de moins de deux heures au rythme infernal.

Aucun sujet n'est tabou pour ces gens-là. C'est pourtant la seule femme du groupe, Bonnie McFarlane, qui été la plus dérangeante. Après s'être réclamée de l'humour prude, elle a déstabilisé une bonne partie des spectateurs avec des blagues caustiques sur la famille, la charité et le racisme. «Je suis caucasienne, un drôle de mot qui veut dire supérieure», a-t-elle lancé au public qui ne savait trop s'il devait en rire ou pas.

L'Anglais Noel Felding donne plutôt dans l'absurde qui le fait comparer les Torontois à des extraterrestres. «On dirait qu'il a un problème de drogue», a  commenté Chong à la fin de ce numéro savoureux. De loin le plus gestuel du groupe, l'humoriste au look des années 70 a même fait du mime en invitant les spectateurs à lire dans ses pensées: «Comme ça, si mon spectacle ne vaut pas de la merde, ça sera de votre faute!»

L'Américain Bill Burr, lui, fait dans l'humour pas du tout politically correct et confesse son amour des pittbulls. Un métier difficile que celui de mère de famille? Pas pour Burr: «N'importe quel travail, que tu peux faire en pyjama n'a rien de difficile.» Avec son débit affolant, Burr ne laisse pas une seconde de répit au public qui lui a réservé la plus belle claque de la soirée.

D'autres abordent l'humour sur un terrain plus politique. Comme l'Américain Chris Hardwick qui pourfend les rednecks de son pays et affirme que les Lindsay Lohan, Britney Spears et Paris Hilton de ce monde font partie d'un complot gouvernemental pour détourner l'attention des vraies affaires. Ou Pete Johanssen, un autre Canadien établi aux États-Unis, qui se défend bien d'être gay, mais avoue qu'il a des doutes sur son frère qui partage le même lit que son coloc depuis dix ans. Il dit aussi: «Il y a pire que se faire reluquer dans les douches d'un gymnase gay: ne pas se faire regarder du tout!»

Mentions honorables aussi à Lavell Crawford, un monsieur rond comme Humpty Dumpty et au visage expressif à souhait qui raconte tout bonnement ses histoires d'horreur avec sa marâtre de mère. Et à Joey Elias, qu'on peut entendre à la radio de CJAD et qui a exploité avec brio un sujet typiquement montréalais: une visite interminable à l'urgence.