Andy Nulman, président de Just for Laughs (JFL), avait 16 ans quand il a répondu à une petite annonce du Sunday Epress. C'était en 1976 à l'aube des Jeux olympiques et le journal racheté par Pierre Péladeau avait un urgent besoin de renfort.

Vendeur de naissance, Nulman a convaincu le chef de pupitre des sports que la mise en page n'avait aucun secret pour lui, ce qui était pur mensonge. Tant pis. Il fut engagé sur-le-champ et put mettre fin à une florissante carrière chez Nouveautés Luxor, l'usine à guenilles de son cousin.

Ainsi débuta la formidable histoire de cette boule d'énergie et d'ambition, haut comme trois pommes et quatre bagels, élevé à « Ville-Saint-Laurent« dans une bonne famille juive comptant trois enfants. Un petit homme certes, mais pas né pour une petit 'Hallah, le pain traditionnel du sabbat.

J'ai connu Andy Nulman à ses débuts qui furent aussi les miens. Je le trouvais sympa, mais hyperactif et un brin têteux. Je n'aurais jamais parié sur lui, ce qui en dit long sur mon flair...

Depuis, Andy a fait du chemin. Des pages des sports, il a été promu (ou déchu, c'est selon) aux spectacles, s'est mis copain avec le producteur Rubin Fogel, mais aussi avec un humoriste du nom de Howie Mandel (Deal or no Deal, America's Got Talent), dont le frère sortait avec Lynn Harris qui allait devenir son épouse.

Mis au défi par Fogel, il a emprunté 10 000$ et coproduit le 7 juin 1984 le show de Howie Mandel au St-Denis avant de prendre en charge sa tournée américaine.

De l'audace à revendre

Gilbert Rozon a vite repéré le petit zélé, voyant sans doute en lui une projection ambitieuse, opiniâtre et casse-couilles de lui-même.

« J'avais 26 ans et je me suis retrouvé président de Just for Laughs, un festival qui n'existait pas. Deux ans plus tard, j'avais convaincu HBO de diffuser un premier gala animé en direct par John Candy », annonce fièrement Nulman, 54 ans, au milieu du bric-à-brac coloré de son bureau où trône un Mao signé Andy Warhol.

Ce qu'il ne dit pas mais ce qu'il a écrit dans I Almost Killed George Burns, paru en 2001, c'est que ce premier gala avec HBO a frôlé la catastrophe. Candy s'est désisté en cours de route. Nulman l'a supplié de revenir sur sa décision, le menaçant de sauter du troisième étage s'il refusait, un chantage qui a porté ses fruits.

Puis, le soir du gala, à cinq minutes de son entrée en scène, John Candy a perdu la voix. Et a fini par la retrouver.

«À l'époque, écrit Nulman dans son livre, l'idée d'un festival de l'humour établi à Montréal faisait rire tous les grands agents américains qu'on cherchait désespérément à impressionner. Quant aux agents de seconde zone qui vendaient leurs shows au Club Kiwanis, s'ils ont accepté de nous rencontrer, c'est juste parce que le nom de Rozon sonnait à leurs oreilles comme Rosen.»

Grâce à l'entêtement (voire au harcèlement) de Nulman, les plus grands comiques américains et les grosses légumes de Hollywood se sont mis à fréquenter ce festival improbable qui allait devenir un rendez-vous incontournable de l'humour. Chris Rock, George Burns, Roseanne Barr, Jerry Lewis et Jim Carrey y ont fait leurs classes ou y ont terminé leur carrière.

Une bonne affaire

Et puis, coup de théâtre: en 1999, Nulman quitte le bateau. «Je m'emmerdais. J'avais fait le tour du jardin», explique-t-il sans s'attarder sur les tensions internes qui l'ont poussé vers la sortie.

À la recherche d'une nouvelle frontière et d'un bon deal, Nulman fonde avec Garner Borstein (et des sous de Charles Sirois et de Danny Williams de Terreneuve) Airborne Mobile, une entreprise de contenu internet. Ils vendront le tout aux Japonais pour 100 millions en 2005.

«Ce jour-là, raconte-t-il, je me suis payé trois choses: une série de complets sur mesure de chez Giovanni, une Corvette 1960 et un Andy Warhol.»

Cent millions, le chiffre donne le vertige. Mais Nulman, qui n'aime pas parler d'argent, s'empresse de réduire mon vertige en miettes.

«D'abord, c'est 100 millions sur papier. Il a fallu rembourser nos partenaires, puis racheter l'entreprise des Japonais. Je ne me plains pas. Je ne suis pas pauvre, mais je ne suis pas riche au point d'arrêter de travailler. Et non, je n'ai pas racheté Just for Laughs quand je suis revenu à sa barre en 2010. J'en suis un actionnaire très minoritaire.»

Soupers avec un ministre

Minoritaire mais influent. Nulman a ajouté une corde à son arc dernièrement: la politique. Il s'est aussi donné pour mission de rapprocher les anglos et les francos.

Stéphan Bureau, désormais employé de JPR, lui a présenté un jour le nouveau ministre des anglos, Jean-François Lisée. Trois semaines plus tard, Lisée invitait Nulman au spectacle de Seinfeld à la Place des Arts. Ils sont ensuite allés manger ensemble.

«J'ai demandé au ministre: « Qu'est-ce que je peux faire pour vous?» Il m'a répondu: «Présente-moi des anglos.» En 10 ans de régime libéral, je n'ai jamais été consulté une seule fois. Autant dire que j'étais enchanté.»

Une soirée avec une trentaine d'anglos riches et influents fut organisée au condo de Nulman, rue Sherbrooke. Mais, dans son empressement, Lisée s'est présenté un mois trop tôt. Nulman venait de se mettre à table avec sa femme pour le souper traditionnel du sabbat. Sans en rater une, il a invité Lisée à se joindre à eux.

«Ce fut un souper très agréable. Un mois plus tard, avec mes amis anglos, l'ambiance était pas mal plus rock'n'roll. Les gens ont été brutalement honnêtes. À la fin, mes amis ont dit au ministre qu'ils ne partageaient toujours pas ses idées, mais qu'ils respectaient son guts. Moi, j'étais ravi qu'on soit enfin tous capables de se parler, ne serait-ce que pour s'engueuler.»

La nouvelle s'est répandue. Nulman organisera deux autres soirées-rencontres avec ses amis influents. D'abord avec François Legault, puis avec Philippe Couillard.

L'animal songe-t-il à se lancer en politique? Il jure que non. Mais on a déjà établi que le trouble-fête de JFL ne dit pas toujours la vérité.

En attendant, il a un festival à organiser, une brochette d'humoristes féminines à gérer, dont la géniale Sarah Silverman, et surtout un nouveau truc à trouver - autre que la menace de suicide - si l'une d'entre elles menace de se désister.

L'Ethnic Show, pour des raisons évidentes.

Du 10 au 14 juillet au Club Soda.

Le Bilingual Show, pour les mêmes raisons.

À l'Astral le 23 juillet. Animé par Mike Ward.

Le Nasty Show, un show méchant, vulgaire et non censuré. Idéal pour un politicien.

Du 17 au 20 juillet au Club Soda.

Le gala de Jay Baruchel, parce que Jay est un Montréalais qui fait carrière aux États-Unis mais qui a choisi de vivre à Montréal.

À Wilfrid Pelletier le 25 juillet.