Le transformiste italien Arturo Brachetti a permis à La Presse, jeudi soir, d'assister depuis les coulisses au déroulement de son spectacle Arturo Brachetti fait son cinéma. C'était la première fois qu'il le permettait. L'expérience fascinante a permis de constater le travail de précision que requiert sa performance d'artiste.

19h40

Torse nu, Arturo se maquille dans sa loge. Le metteur en scène de ses spectacles depuis 12 ans, Serge Denoncourt, et sa productrice, Lucie Rozon, viennent le saluer. Après la générale de la veille où il a répété son spectacle en français, ce qu'il n'avait pas fait depuis trois mois, Serge Denoncourt lui donne une dernière consigne: «Parle tranquillement, faut qu'on ait l'impression qu'on est seul avec toi.»

19h45

La Presse signe un document, jurant de ne pas dévoiler les rouages qui font qu'un spectacle d'Arturo Brachetti est si magique. «On ne parle jamais de son jumeau ! dit Denoncourt en riant. Il est pareil, mais sans toupet sur la tête!» Comme on le verra plus tard, même quand on voit les changements de costumes d'Arturo, on n'arrive pas à discerner comment il fait! Il est si rapide «En Italie, je fais des mises en scène, c'est moins fatigant!» dit-il. Gilbert Rozon entre dans la loge: «Ça va mon Tuturo?» «Oui, ça va», répond l'artiste, tout à son maquillage.

19h55

Arturo se change, enfile des collants couleur chair. Quel corps d'athlète pour un homme de 54 ans! Il montre un petit bourrelet au niveau des hanches. «Je vais perdre ça après trois semaines de spectacle!» Il part ensuite faire ses étirements. «C'est de plus en plus dur, dit-il. Mais ce n'est pas pareil si je n'en fais pas.»

20h

Une assistante prend son plateau de maquillage et va l'installer derrière le rideau de scène. Pour ses retouches durant le spectacle. Gilbert Rozon fredonne Femmes de rêve quand Arturo sort de sa loge en peignoir. Comme un boxeur.

20h05

Productrice et machiniste, Gisèle Barry, qui suit Arturo Brachetti depuis 2004, me guide derrière la scène. On se déplace entre les éléments de décor, les penderies de vêtements, les énormes malles pour l'équipement et les armoires remplies de têtes pour les perruques. L'équipe technique de 12 personnes comprend deux habilleurs italiens, un accessoiriste américain et des machinistes, tous québécois dont un éclairagiste.

20h10

Arturo s'habille, aidé pas son équipe. Il échange quelques mots avec Gilbert Rozon, l'air de rien. «Arturo a un pouvoir de concentration fabuleux, dit Gisèle. C'est une machine. Il a déjà présenté ce spectacle 225 fois, en français, en italien, en allemand et en anglais.»

20h12

L'air est climatisé dans les coulisses pour éviter que les costumes collent à la peau. «C'est plus de la prestidigitation que des tours, ce qu'il fait, dit Gilbert Rozon. Comme dans la F1, avec le changement de pneus. Si on cachait la procédure, on ne comprendrait pas comment ils font pour changer quatre pneus en huit secondes.»

20h15

Les lumières de la salle s'éteignent. Un film défile sur l'écran. Derrière, Arturo se prépare, la bouche grande ouverte. Il entre sur scène. Le voilà qui se change en D'Artagnan puis en Zorro en quelques secondes. Pendant qu'il parle aux spectateurs, son équipe prépare le numéro suivant. Sans se presser.

20h25

Puis, Arturo fait son numéro des chapeaux, interprétant 25 personnages en changeant la forme d'un rond de feutre. Retournant en coulisses pendant la projection d'images, il se change. «Il faut qu'il ait confiance, dit Gisèle. Pas question pour les habilleurs de se tromper de costume!»

20h40

Dans la scène du cinéma d'horreur, on assiste à toute la magie de Brachetti, qui entre et sort de scène, revenant chaque fois avec un costume différent. Derrière le rideau, chacun fait ce qu'il a à faire. Un travail d'horlogerie.

21h

Des coulisses, on constate combien la performance est physique. Le spectacle dure quand même 1h20 sans entracte. Arturo connaît son rôle à la perfection. «Il a une grande rigueur, dit Gisèle. Tu ne le verras jamais faire de crise, mais il est très précis. Quand c'est correct, ça va, quand ça ne l'est pas, il le dit.» Sa rigueur va jusqu'à la façon de s'alimenter. Grillades de viandes et de poissons. Salades. Pâtes au parmesan avec un filet d'huile. Et du café, évidemment! «Il ne peut se permettre d'engraisser sinon il faudrait changer tous les costumes», dit Gisèle Barry.

21h10

Arturo prend le drapeau italien sur scène et passe soudain d'un costume uni à un autre fait de drapeaux. Personne n'a rien vu ni compris! Même en coulisses.

21h15

Il prend une pause pour se remaquiller derrière le rideau de scène. Un peu de rouge à lèvres, de la poudre sur les joues, le front et les sourcils. Et le voilà reparti sur scène en enchaînant avec la musique.

21h30

Autant en emporte le vent. Il est en Scarlett O'Hara. Une belle grande robe fleurie. Il passe le rideau et en une seconde, il est de retour avec une robe vert prairie! On n'y a vu que du feu.

21h40

Fin du spectacle. Arturo est longuement applaudi. Dans les coulisses, il se déshabille, enfile son peignoir et part en marchant comme un canard vers sa loge.

21h50

Son équipe discute de la réaction du public. Tout le monde est content. Arturo se démaquille. «Est-ce que c'était touchant? demande-t-il. Je veux que ça ait l'air presque improvisé.» «Ton travail s'est affiné, dit Gilbert Rozon. Tu prends ton temps. Je te trouve plus serein.» «La vieille tient le coup!», répond Arturo Brachetti avant de filer sous la douche.

Arturo Brachetti fait son cinéma, en tournée au Québec: les 20 et 21 juillet à Québec, du 9 au 11 août à Laval, les 17, 18, 24 et 25 août à Brossard.