Avec Phone Whore, l'auteure et comédienne Cameryn Moore entraîne le public dans les coulisses de l'industrie du sexe téléphonique.

Malgré son titre racoleur, la pièce Phone Whore («pute téléphonique», en français), présentée au Théâtre Ste-Catherine dans le cadre du Zoofest, va beaucoup plus loin qu'une simple conversation de téléphone rose en direct et remet en question notre conception de la sexualité, avec ses tabous et ses réalités.

Cameryn Moore nous donne rendez-vous à Outremont, dans le sous-sol de la maison de sa famille d'accueil montréalaise. De 8h à 15h, elle se fait appeler Larissa pour répondre aux fantasmes de ses clients et à notre arrivée, elle est justement au bout du fil.

En plein coeur de la crise financière américaine, Cameryn a perdu son emploi à Boston au sein d'une société en marketing et a décidé en ultime recours de devenir téléphoniste rose à domicile.

«Mes gens m'ont toujours dit que j'avais une voix parfaite pour ce métier! Je leur répondais qu'étant féministe, je ne pouvais pas faire ça! Mais c'est assez fou ce qu'on peut faire quand on a besoin d'argent. J'étais désespérée et c'était ma seule opportunité d'emploi! J'ai auditionné et j'ai été engagée par la compagnie pour laquelle je travaille depuis maintenant trois ans.

«Au début, j'étais très gênée, poursuit Cameryn. Après mon premier appel, j'ai tremblé pendant 20 minutes, mais après deux semaines, je me suis habituée. J'ai vite découvert que j'étais très bonne. C'est une profession dont je suis fière aujourd'hui. Ça ne paie pas si bien, juste assez pour couvrir mes dépenses. Surtout qu'en tournée, je ne peux être sur appel toute la journée et que je gagne moins. D'un autre côté, ça me permet de consacrer du temps à l'écriture. Je répète à la maison avec mon metteur en scène.»

Mariée, mais dans une relation ouverte et bisexuelle, Cameryn Moore parle aisément de son métier à qui veut bien l'entendre, mais préfère garder le silence sur ses activités auprès de sa famille et celle de son mari.

«Je viens d'une famille mormone depuis cinq générations et j'ai quitté ma communauté quand j'avais 14 ans. Il y a 20 ans, j'aurais probablement aimé que mes parents sachent que je gagne ma vie avec quelque chose qu'ils détestent. Mais aujourd'hui, ils sont vieux et moins en santé, et même si je ne vois rien de mal dans mon métier, ça les blesserait», précise Cameryn.

Trois mois après ses débuts dans le métier, Cameryn a reçu un formulaire pour participer à un festival de théâtre à Boston. Elle décide alors d'utiliser cette nouvelle expérience professionnelle pour écrire une courte pièce de 10 minutes.

«On dit qu'il faut écrire sur ce qu'on connaît. Et si ce que tu connais se réduit à 12 m2 avec un lit, un téléphone et un ordinateur, tu utilises cet univers extrêmement riche sur la psychologie sexuelle. Quarante pour cent de mes clients ont des fantasmes homo-érotiques et ça m'a beaucoup étonnée au début!», dit-elle.

L'auteure et comédienne a déjà présenté Slut (R)evolution et Power I Play, les deux autres volets de la trilogie dont Phone Whore fait partie, à travers trois tournées nord-américaines, notamment dans le cadre du circuit Fringe.

«Le spectacle se déroule un peu de la même manière qu'avec des amis que j'invite à la maison alors que je suis sur appel: ils peuvent y assister sans faire de bruit. Le public est donc dans mon salon, je me fais du café et des rôties tout en parlant à haute voix de ma vie, de mon environnement et de ma vie amoureuse, alors que des appels m'interrompent. Les gens n'entendent que la conversation de mon côté. Ces appels simulés de 5 à 6 minutes donnent une bonne idée du genre de communications que je peux recevoir. Le public peut donc me suivre très loin dans les fantasmes de mes clients!» précise l'auteure qui sera en résidence à partir de novembre prochain au Mainline Theater du boulevard Saint-Laurent pour finaliser une nouvelle création.

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Phone Whore, au Théâtre Ste-Catherine du 5 au 14 juillet, à 22h. Pour public averti, 18 ans et plus. Une période de questions est prévue après le spectacle.