Montréal est devenue la ville par excellence pour faire du magasinage... d'humoristes. Depuis trois ans, la métropole québécoise est l'hôte de la Just for Laughs Comedy Conference, genre de congrès d'humour qui attire plusieurs centaines de représentants de l'industrie du rire d'un peu partout à travers le monde à la recherche de projets novateurs et de nouveaux talents.

Le soleil brille. L'appel des terrasses déjà pleines à craquer est tentant. Et pourtant, ils étaient quelque 400 congressistes (humoristes, agents, réalisateurs de films, télédiffuseurs) à s'être réunis dans un hôtel de Montréal la semaine dernière pour participer et assister à des tables rondes portant sur l'industrie de l'humour : brassage d'idées sur d'éventuels projets de films, d'émissions de télé ou encore de nouveaux spectacles. Sur les petits cartons qu'ils portaient tous au cou, on pouvait lire les noms de HBO, Disney, Warner Bros, Fox, Paramount...

Le but de cet événement : attirer des gens d'un peu partout à travers le monde et les inciter, une fois les conférences de la journée terminées, à assister aux différents spectacles offerts dans le cadre du Festival Juste pour rire et surtout de son pendant anglophone Just for Laughs, qui battent leur plein au même moment, explique Paul Ronca, directeur de la conférence.

Si les participants de la Comedy Conference viennent d'un peu partout à travers le monde, 76 % d'entre eux étaient américains alors que 17 % étaient canadiens. Les autres congressistes arrivaient directement de l'Australie, de l'Angleterre, de l'Irlande, des Pays-Bas et de l'Allemagne. Bien qu'encore jeune, l'événement compte chaque année plus de congressistes, passant de 250 en 2008 à 400 en 2010.

En compétition avec le web

Pourquoi faire des pieds et des mains pour que tout ce beau monde vienne à Montréal ? C'est qu'avec l'avènement de l'internet et de YouTube, les promoteurs, agents et producteurs étrangers sentent moins le besoin de se déplacer pour faire leur «magasinage» puisqu'ils peuvent découvrir de nouveaux concepts assis bien confortablement devant leur ordinateur.

«Internet a changé beaucoup de choses, affirme le président festivals et télévision du Groupe Juste pour rire, Andy Nulman. Avant, nos recherches nous amenaient partout dans le monde, dans les sous-sols d'église et dans les clubs. Et maintenant, les gens installent une caméra vidéo dans ces mêmes sous-sols et peuvent ensuite diffuser partout.»

Donc, pour contrer cette tendance, la stratégie adoptée par les organisateurs de la conférence est simple. Chaque matin, ils distribuent aux participants l'horaire de la journée mais également toute la programmation des spectacles organisés dans le cadre du festival Juste pour rire. C'est donc là, en soirée, dans les différentes salles de la ville, que l'opération démarchage commence. «Les artistes viennent pour se faire découvrir et l'industrie vient pour découvrir», résume Paul Ronca.

Et la stratégie fonctionne, poursuit Paul Ronca en faisant le récit de l'un des réussites de l'événement. Il y a deux ans, Judd Apatow - le réalisateur de Funny People et coscénariste de Pineapple Express - a participé à la conférence puisque les organisateurs voulaient lui décerner le prix du meilleur cinéaste d'humour de l'année. Un soir, Apatow est allé voir un spectacle dans lequel des humoristes parodiaient des chanteurs.

C'est là qu'il a redécouvert le talent sur scène de l'un des participants, le jeune Bo Burnham, qui faisait une brève apparition dans Funny People, alors âgé de 18 ans. Ces retrouvailles ont permis au réalisateur et au jeune comique américain, qui a fait sa renommée sur YouTube, de travailler ensemble sur un film. La nouvelle est même parue dans le Hollywood Reporter. Pour le moment, le projet est toujours en développement.

Cette année, le cinéaste primé était Jay Roach, réalisateur de Dinner for Schmucks. La présence de noms connus comme Apatow ou Roach représente un atout de taille pour inciter un plus grand nombre de gens à répondre à l'appel. Qui sait si Roach n'a pas rencontré à Montréal une perle rare qui pourrait lui donner envie de faire la suite de Dinner for Schmucks...