Six jeunes humoristes français sont à découvrir jusqu'à vendredi soir au Studio Juste pour rire. Il fallait un Franco-Québécois pour les introduire : Jérémy Demay, humoriste installé au Québec depuis cinq ans, a mis tout le monde à l'aise.

«Le seul endroit où je me sente à l'aise, c'est le duty free: au Québec, je suis français, en France, je suis québécois», a commencé Demay en guise d'introduction à un public mi-québécois mi-français. Ont suivi les éternelles différences, le vouvoiement en France : «Je vous salue, je vous en prie, je vous emmerde», le tu au Québec : «Ils l'aiment tellement qu'ils le répètent plusieurs fois dans leurs phrases», la gastronomie contre la poutine et le pâté chinois... Le ton était donné.

Chaque humoriste a su teinter son sketch de références québéco-québécoises (Halak est revenu plusieurs fois), à commencer par Vérino, racontant sa découverte d'Archambault. On a cru qu'il allait faire son sketch sur la Fnac (équivalent français du libraire-disquaire) mais cette fois, c'est chez Zara qu'il nous emmenait. Chronique d'un magasinage où «tu suis ta copine dans le magasin, tu regardes tes SMS et quand tu relèves les yeux, tu ne suis plus la bonne fille». Puis les essayages, contre-essayages à la maison, et l'étiquette qu'elle enlève finalement «aussi stressée que Jack Bauer désamorçant une bombe».

Seule fille à monter sur scène pour donner un échantillon de son style, Anaïs Petit a su séduire avec ses imitations parfois approximatives, surtout pour Catherine Deneuve, qu'on n'aurait pas reconnue. Elle a commencé avec Carla Bruni, parodiant Quelqu'un m'a dit. Attaques sans détour, réussissant toutefois, on ne sait comment, à échapper à la vulgarité: «La première dame de France est accro à la bite», susurre-t-elle d'une voix suave... À propos de Bardot, «elle déteste la fourrure et pourtant qu'est-ce qu'elle s'est fait fourrer». Pour la couleur locale, une imitation de Coeur de pirate, efficace dans l'inanité des paroles, bien applaudie.

Baptiste Lecaplain incarnait ensuite le jeune cool mais complexé, faisant de ses défauts le prétexte à ses blagues: son prénom qu'il n'aime pas parce que «ça fait pas gangster», l'escrime, le «c'est quoi ce sport de daube?», pratiqué quand il était enfant, son physique «mon corps, y s'passe rien, on dirait un pancake». Sympathique, plein d'énergie, mais pas très original.

Invité surprise de la soirée, Ary Abittan, qui a fait des premières de spectacles de Gad Elmaleh. Justement, son sketch, sur le mode absurde, rappelait La cigarette (où Gad raconte comment il a enfin réussi à commencer à fumer) : une discussion avec sa femme pour lui demander... de divorcer. «Tu veux que nos enfants aient les mêmes parents toute leur vie ? ... Ils risquent de reproduire le même schéma.» Plusieurs répliques sur le même mode étaient bien senties, de même que sa parodie du journal télévisé en arabe, où seuls quelques mots ressortaient en français, dont «Jean Charest» ... «pots-de-vin».

Cédric Benabdallah (vu dans La galère, il est un des Invincibles français) filait avec beaucoup de talent un récit très écrit, volontairement emmêlé: «Ce midi, j'ai mangé une cuisse de poisson», ce genre de phrases absurdes, quand il «rentre à 4 x 4, c'est-à-dire à 4 heures du mat' à quatre pattes». Puis, sur ses origines parfaitement mal assumées, il conclut: «C'était pas évident, en Bourgogne, à l'école, j'étais le seul métis, tous les autres enfants étaient consanguins.» Avec des phrases ciselées, il glisse de l'aveu de ses propres tares jusqu'à mettre le doigt sur celles des autres.

Enfin, dernier à entrer en scène, le comte de Bouderbala a, pince sans rire, enchaîné les bonnes phrases soulignant les différences entre cultures nord-américaine et française... ou maghrébine. «Quand mon père a acheté ma mère dans les années 60, il avait 25 ans, ma mère 20... de moins.» À propos du foot, des filles à Paris ou du rap «le slam est le cousin du rap». La différence, c'est que «le slam est allé à l'école».

Six humoristes de styles différents, du Français moyen au jeune d'origine maghrébine, dont le point commun est peut-être de n'être pas «maudits» du tout: pas arrogant, chacun y est allé de ses intonations québécoises, de mots québécois ou de références locales.

Au Studio Juste pour rire, jusqu'à vendredi. 19h30