La parade des taupes, samedi, a précédé La nuit des taupes, hier, de Philippe Quesne. Avant le spectacle du G7 politique dans Charlevoix, Montréal a eu droit au G7 des bêtes à poil les plus attachantes qui soient au FTA.

À première vue, elles peuvent faire peur, avec leurs grosses griffes, leurs dents effilées et leur poil pas trop propre. Mais les taupes, comme l'amour, sont aveugles, et les gens, enfin les plus sensibles d'entre eux et ceux qui mesurent moins d'un mètre, par exemple, en deviennent vite entichés.

Les taupes avaient déjà conquis Montréal samedi dans la rue avant de monter sur la scène du FTA hier soir. Rien d'étonnant pour leur créateur français Philippe Quesne, qui avait présenté au FTA L'effet de Serge en 2010.

«Ça se passe très bien avec le public en général, dit le concepteur-metteur en scène. Accepter des taupes géantes, c'est un peu accepter une autre façon de vivre que la sienne. La parade, c'est comme une sorte de cirque. Quand le théâtre peut explorer d'autres mondes que la boîte noire, c'est fantastique.»

Sous la surface

Philippe Quesne favorise des pièces généralement sans violence, ni guerre, ni sexe, ni trahison. L'humaniste artiste milite pour le plaisir en art. Loin des enjeux politiques ou économiques.

«Quand je lis tous ces articles sur la sécurité du G7, il n'y a que chez les taupes et dans les sous-sols que l'on serait à l'aise. Comme dans certaines grandes guerres où les gens se mettent là où l'on trouve des trésors et des archives.» 

«L'art creuse des chemins parallèles que les politiciens auraient avantage à observer.» 

Philippe Quesne est ce scénographe-poète qui aime voir sous la surface si l'on peut trouver une humanité insoupçonnée, mais bien conservée. Quelque part entre les mythes et les légendes de l'enfance.

«Au théâtre, j'aime extraire une population méconnue. Je me suis toujours intéressé aux marges. J'aime ces espèces post-apocalyptiques. On pourrait imaginer que les taupes vivent dans un monde où elles ne se sont pas aperçues que les humains ont disparu.»

«L'humain est passionné par la recherche d'autres planètes parce que la nôtre va sûrement exploser, ajoute-t-il. On s'invente une vie ailleurs. Et dans le noyau terrestre, on n'a creusé qu'à 32 kilomètres au plus profond. Il y a une forme d'inquiétude à voir ce qui se passe dessous. Il n'y a pas mieux que le sous-sol pour enterrer les choses qu'on ne veut pas voir, y compris notre propre mort.»

Creuser, fouiller, divaguer

Dans cette pièce sans paroles, les taupes font des gestes de leur quotidien. On parle ici de creuser, de fouiller, de divaguer, peut-être. On «parle d'underground, cet endroit où l'on trouve des musiques bizarres», dit le concepteur. 

«La musique m'a toujours procuré, du classique à l'alternatif, des sensations venant d'autres zones. Elle amène du sentiment, mais aussi des pulsions.» 

«On finit le spectacle dans une rage plus punk après être passé par un tas de courants musicaux.»

La taupe, animal considéré comme nuisible, est, donc, quelque part, un artiste.

«La taupe est classée, à tort, dans les nuisibles, mais il y a un rapport avec l'artiste. Les taupinières qui émergent à la surface des jardins, je les ai toujours considérées comme du land art. Je suis devenu scénographe par une observation très forte du monde animal. C'est une taupe artiste qui est mise en scène. Au théâtre, le public est face à un terrarium pour assister à un temps libre entre taupes où elles s'organisent en société.»

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La nuit des taupes est présentée à l'Usine C jusqu'au 6 juin.