La pièce Tom à la ferme de Michel Marc Bouchard a été jouée un peu partout dans le monde depuis sept ans. Au Brésil, le spectacle a touché une corde sensible puisque le nombre de meurtres homophobes y atteint des sommets. Entrevue avec le metteur en scène Rodrigo Portella.

Vu du Nord, le chaud Brésil dégage une image sulfureuse. Pourtant, il n'est pas toujours rose d'y vivre son homosexualité ou sa transsexualité.

«Il y a beaucoup de liberté au Brésil, mais les gens ne savent pas comment vivre cette liberté, décrit le metteur en scène de Tom na fazenda, Rodrigo Portella. Il y a une partie de la population très conservatrice dont la colère explose de plus en plus. Le Brésil est le pays au monde où l'on assiste au plus grand nombre de crimes homophobes. Pas tant dans les grandes villes, mais à l'intérieur du pays. Tom à la ferme se déroule d'ailleurs à la campagne. Ça pourrait se passer dans n'importe quel village brésilien ou latino-américain.» 

La pièce de Michel Marc Bouchard suit la chute douloureuse de Tom dans un terreau familial où l'homosexualité de son amant mort était inconnue. Hypocrisie, haine et violence deviendront sa pâtée quotidienne.

«Dans la mise en scène, il y a un mélange de violence et de sensualité. La violence est présente dans le texte, dans les mots. La famille de l'amant de Tom veut se protéger. En contrepoint, ces personnages ont aussi un coeur. Pourquoi Tom ne part-il pas en constatant qu'il est mal accueilli? J'ai voulu montrer la violence, l'affection, l'érotisme dans le corps des personnages. C'est une relation très forte entre ces deux hommes, Tom et Francis. Ce sont comme deux frères, deux chiens agités qui se détestent et se cherchent tout à la fois.»

Mise en scène organique

La scénographie de Tom na fazenda se veut dépouillée, les éclairages soulignant la part d'ombre des personnages. Mais chez Rodrigo Portella, tout passe par le corps. 

«Pour moi, la physicalité au théâtre est importante. Je cherche toujours à traduire les drames et les conflits proposés par le texte dans le corps des acteurs. On a mis de la boue au sol pour que les acteurs se sentent instables. Tom ne sait pas trop ce qui va se passer à la ferme.»

«Cette notion d'incompréhension et de déséquilibre est importante dans la pièce et dans le jeu, poursuit-il. Je voulais que les acteurs la ressentent. Ils me demandaient au début s'ils ne pourraient pas prendre appui sur un meuble ou un accessoire, mais non, c'est comme ça qu'on comprend ce qu'ils vivent à l'intérieur.»

Rodrigo Portella fait aussi remarquer que sa lecture porte des marques sociologiques peut-être différentes de la réalité que décrivait le dramaturge québécois Michel Marc Bouchard lors de la création de la pièce en 2011.

«Ce ne sont pas les homosexuels riches de la haute société qui sont tués, précise-t-il, ce ne sont que des hommes pauvres.» 

«D'après moi, c'est une forme de contrôle ou d'oppression sociale insidieuse. Il y a un lien à faire aussi avec la religion qui est très forte au Brésil.»

N'empêche que la pièce y a obtenu un immense succès critique et populaire. Sa présentation à Montréal est une première sortie du pays pour le metteur en scène et les acteurs. 

«On a eu beaucoup plus de succès qu'on ne l'aurait cru. On le voyait comme du théâtre alternatif. Mais la pièce traite d'un thème très important qui affecte la société brésilienne. On a touché quelque chose de très intime. Les spectateurs en sortent très émus. Michel Marc Bouchard est un dramaturge très intelligent. Sa pièce est remplie de contradictions humaines et il ne s'agit pas de personnages homosexuels typiques. Ils sont comme vous et moi.»

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Tom na fazenda (Tom à la ferme) est présentée à la Maison Théâtre du 1er au 3 juin.

Photo José Limongi, fournie par le FTA

Tom na fazenda (Tom à la ferme)