Tous les mardis, La Presse présente les actualités de la semaine dans le monde du théâtre à Montréal et au Québec. Cette semaine, nos journalistes recensent des événements à ne pas manquer au festival TransAmériques (FTA).

Jean-François Nadeau et Stéfan Boucher visitent Nos ghettos

Si les craques de trottoir pouvaient parler, elles diraient ce que Jean-François Nadeau et Stéfan Boucher vont nous révéler dans Nos ghettos. Le premier, poète maigrichon, a longtemps visité l'intersection de la rue Bélanger et de la 2e Avenue pour y chercher l'humanité. Déçu.

«C'est plus un récit dramatique que de la poésie, explique Jean-François Nadeau. Une dérive urbaine presque documentaire à la frontière de trois quartiers: Villeray, Rosemont et Saint-Michel. Il y a un laisser-aller urbanistique et moral à cet endroit. On pourrait s'y réjouir de la cohabitation multiethnique, mais personne ne se parle.»

Le deuxième, musicien patibulaire (accompagné d'un troisième larron, Olivier Landry-Gagnon), met un gros grain de sel funky sur le tout.

«On est dans l'appropriation culturelle musicale avec amour, dit Nadeau de son complice. Stéfan fait tous les personnages secondaires aussi. C'est le plus drôle des deux dans notre exercice de lucidité. Entre le repli sur soi et l'angélisme du vivre-ensemble, il y a un discours immense à explorer.»

Une poupée complète la distribution. Le dynamique duo abordera donc plusieurs tabous: un peu d'indépendance, moyennement d'humanisme désincarné et beaucoup d'hypocrisie. «Dans le spectacle, la poupée représente mes pulsions et les tabous qu'on a comme société. Mais on a peur de la discussion, alors on démissionne.»

«C'est comme si on voulait tous être ensemble, mais en même temps, on n'a plus le droit de rien faire. Je crois plus à la cohabitation qu'à la fusion, à distinguer pour mieux unir. La meilleure promesse du vivre-ensemble, c'est la profonde connaissance de soi», affirme Jean-François Nadeau.

À la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d'Aujourd'hui, du 2 au 6 juin.

Installation et performance: Déterrer les traces d'un génocide culturel

L'artiste d'origine ojibwée-crie et menonnite Lara Kramer met à vif dans ses créations les lourdes séquelles du génocide culturel dont ont été (et sont) victimes les autochtones et les échos de ces traumatismes qui se transmettent jusqu'à aujourd'hui. Pour Phantom Stills & Vibrations, installation accompagnée de performances ponctuelles et cocréée avec Stefan Petersen, elle est retournée sur les traces de ses ancêtres, dans l'ancien pensionnat autochtone Pelican Falls à Sioux Lookout, en Ontario, où ont été envoyées de force trois générations de sa famille. Un lieu hanté par le désespoir, qu'elle transpose dans l'espace du MAI à l'aide de différents supports (photographies, enregistrements audio, installations sculpturales) liant le passé, le présent et le futur.

Au MAI jusqu'au 10 juin, entrée libre, performances les 24 mai et 7 juin à 19h et le 2 juin à 15h.

Danse: Bleu

Dans sa nouvelle création, le chorégraphe Jean-Sébastien Lourdais - dont c'est la deuxième présence au FTA - explore les états de corps à travers la forme solo. Interprété par Sophie Corriveau (lauréate du Prix de la danse interprète en 2016), qui est accompagnée de textures sonores créées en direct sur scène, Bleu plonge dans les profondeurs de l'être, avec, à la clé de cette descente abyssale, la quête ultime: trouver la présence pure à soi-même, l'éternel instant suspendu dans le temps.

À La Chapelle du 27 au 29 mai.

Cinéma: Cultes sacrificiels au centre commercial

Véritable ovni islandais, Union of the North atterrit sur les écrans de la Cinémathèque québécoise dans le cadre du FTA. L'artiste contemporain Matthew Barney s'allie avec la chorégraphe Erna Ómarsdóttir et le musicien Valdimar Jóhansson pour ce film de danse, interprété par la Iceland Dance Company, qui s'éloigne radicalement des clichés poétiques associés aux grands espaces islandais. Campé dans un centre commercial de Reykjavík, cet opus met en scène la déesse sumérienne de la création, Nammu, devenue serveuse dans un... Dunkin' Donuts. Danses tribales, chants homériques, cultes sacrificiels au rayon de surgelés campent le terrain pour des noces sanglantes où le sacré rencontre le consumérisme. Sans doute un des objets les plus intrigants et inclassables de ce FTA.

À la Cinémathèque québécoise du 27 au 29 mai.

Reprises: Reprises surprises

Le FTA aime reprendre certaines pièces québécoises qui n'ont peut-être pas fini de rejoindre leur public. Présentée en 2017 au Festival international de littérature, Autour du Lactume revient à La Chapelle du 1er au 4 juin. La magnifique Markita Boies, dirigée par Martin Faucher, lit des extraits de ce manuscrit oublié de Réjean Ducharme. Aussi, Claudine Robillard et Anne-Marie Guilmaine présentaient Non finito il y a deux ans aux Écuries. Elles y retournent, dans le cadre du FTA, avec cette pièce traitant des projets artistiques inachevés qu'on laisse derrière soi, mais qui nous habitent tout autant.

Autour du Lactume, à La Chapelle du 1er au 4 juin.

Non finito, aux Écuries du 29 mai au 2 juin.

Publication: Nos jours de fête

Les éditions Somme toute publient Nos jours de fête, un beau livre sur le FTA qui fait penser à un catalogue d'exposition. La publication de 220 pages est parsemée de belles photos des 12 éditions du festival, ainsi que de textes de créateurs comme Sarah Berthiaume, Romeo Castellucci, Marie Brassard, Christian Lapointe, Brigitte Haentjens, Robert Lepage, Dana Michel, Yves Sioui Durand et Larry Tremblay.

Image tirée du film

Union of the North

À Québec: Carrefour international de théâtre de Québec

Le Carrefour international de théâtre de Québec (CITQ) partage quelques pièces (La nuit des taupes et Oblivion, notamment) avec le FTA, en plus de présenter d'autres pièces qu'on a pu voir en saison à Montréal (Hamlet_Director's CutDans la solitude des champs de cotonIn Cold Blood), du 22 mai au 8 juin. En primeur, le CITQ présente Halfbreadtechnique (Suisse) et Nombre (Québec). Le festival reprend aussi un déambulatoire extérieur conçu par Marie-Josée Bastien et Christian Lapointe, entre autres, au titre très évocateur, Où tu vas quand tu dors en marchant?.

Aussi à l'affiche

Ce qu'on attend de moi, texte et mise en scène de Philippe Cyr et de Gilles Poulin-Denis, au Théâtre aux Écuries jusqu'au 26 mai.

Les chaises, d'Eugène Ionesco, mise en scène de Frédéric Dubois, au TNM jusqu'au 2 juin.

Trahison, d'Harold Pinter, mise en scène de Frédéric Blanchette, au Rideau Vert jusqu'au 9 juin.

Amour et information, de Caryl Churchill, traduction et mise en scène de Frédéric Blanchette, à la Grande Licorne, en supplémentaires jusqu'au 24 mai.

La vie utile, d'Evelyne de la Chenelière, mise en scène de Marie Brassard, à Espace Go, au FTA du 28 au 31 mai.

Le tigre bleu de l'Euphrate, de Laurent Gaudé, mise en scène de Denis Marleau, au Quat'Sous jusqu'au 26 mai, supplémentaires les 23 et 24 mai.

La Mondiola, texte et mise en scène de Julie Vincent, dans une résidence de la rue Fullum jusqu'au 7 juin. Billets: singulierplurielmontreal@gmail.com

Photo Martin Argyroglo, fournie par le FTA

La nuit des taupes de Philippe Quesne