Chef-d'oeuvre du cinéma pour les uns, film verbeux et soporifique pour les autres, La maman et la putain est un ovni cinématographique dans le ciel du cinéma français des années 70. Or, une chose est certaine, le film de Jean Eustache demeure emblématique de la Nouvelle Vague et de la jeunesse post-Mai 68.

Grand Prix spécial du jury à Cannes en 1973, ce long métrage se distingue par sa réalisation très cinéma direct, sa durée (près de quatre heures) et, surtout, ses dialogues percutants et ses monologues bouleversants. D'ailleurs, avant d'avoir vu le film, Julie Duclos avait lu le scénario pour un cours de jeu à la caméra au Conservatoire national de Paris, avec le cinéaste Philippe Garrel.

La modernité du propos l'a envoûtée durant des semaines. L'auteure et metteuse en scène s'est donc inspirée du film mythique d'Eustache pour créer Nos serments, coécrite avec Guy-Patrick Sainderichin. Une proposition mi-théâtre, mi-cinéma, en forme de digression sur les rapports de couple. Nos serments pose la question à 6 millions de dollars : « Comment respecter, s'accommoder de la liberté de l'autre, tout en restant fidèle à ses serments ? »

UTOPIES ET RÉALITÉ

Jointe au téléphone à Paris, la metteuse en scène résume sa démarche :  « Jean Eustache parlait des utopies de son époque et de l'égard entre celles-ci et le quotidien. Quelle est la place du désir et de l'absolu dans le quotidien. Où se situe la liberté dans le couple. »

La créatrice ajoute que le film a agi comme une impulsion durant les répétitions, alors que ses acteurs travaillaient à partir d'improvisations. « Le travail de répétitions consistait à développer une rêverie autour du film, pour voir où cela pouvait nous emmener. Le scénario d'Eustache nous a permis de développer à la fois des situations qui avaient tirées du film - comme point de départ pour une improvisation -, et d'autres pas du tout ou encore imaginaires, par exemple tout ce qui aurait à voir avec le hors-champ du film. »

SOUS LES PAVÉS, LA PLAGE

Aux yeux de Julie Duclos, les personnages de La maman et la putain sont en réaction, à contre-courant de la mentalité des soixante-huitards. Une phrase de Mark Twain l'a aussi accompagnée tout au long du processus de la création du spectacle : « Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. »

Créée en 2015 au Théâtre de la Colline (la nouvelle maison de Wajdi Mouawad), Nos serments a été fort bien reçue par la critique parisienne.

Photo de production de la pièce Nos serments de Julie Duclos, présentée au FTA 2016

Photo Pierre Sautelet, fournie par le FTA

Photo de production de la pièce Nos serments de Julie Duclos, présentée au FTA 2016

Photo Pierre Sautelet, fournie par le FTA

« Ici, il n'y a pas de différence entre le jeu à la caméra et le jeu de plateau. J'essaie de théâtraliser le jeu d'acteurs sur la scène. Le regard du public passe du plateau à l'écran. C'est le spectateur qui fait les gros plans. »

D'ailleurs, Julie Duclos estime que le jeu des acteurs de La maman et la putain (formidables Jean-Pierre Léaud, Bernadette Lafont et Françoise Lebrun) est davantage « théâtral » que ceux des interprètes de son spectacle. « On est dans une démarche inversée. C'est comme le négatif du film. »

Nos serments, les 31 mai, 1er et 2 juin au Centre du Théâtre d'Aujourd'hui

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