La performance Tout Artaud?! de Christian Lapointe s'est terminée au FTA dans la nuit de lundi à mardi, mais la parole du libre penseur français reste vivante. Au diapason du pouvoir de l'art, dit le Québécois qui l'a lu pendant près de trois jours.

Christian Lapointe n'a pas arrêté sa performance Tout Artaud?! au FTA par fatigue, manque d'intérêt ou peur du ridicule, mais parce qu'il sentait que la pièce était finie.

«J'aurais pu faire 70 heures de plus, mais ça s'est arrêté. Je savais que j'avais joué la dernière scène. C'était révolu. J'aurais pu faire le coq et continuer, mais cela aurait vidé de son sens l'expérience mystique que je venais de vivre.»

Dans une conférence de presse marathon de une heure vingt, le comédien et metteur en scène est apparu en pleine forme, quoique la voix un peu enrouée.

Il a expliqué qu'il avait vécu cette lecture en continu comme la préparation de toute pièce, à mi-chemin entre exercice artistique et sportif. Lecture, réchauffement, écriture de plateau, mise en scène.

«La lecture du Moine a été un moment charnière. J'ai dû être dans la fulgurance, ce qui brûle beaucoup d'énergie. [...] Je n'étais plus dans la lecture de l'oeuvre d'un auteur, j'étais en train d'écrire un spectacle sur lui. Mardi matin à 2h45 est arrivée la dernière scène.»

Les leçons qu'il en tire sont importantes, dit-il, non pas sur la performance elle-même, mais ce qu'elle a éveillé en lui: l'importance de laisser le «jeu jouer», d'agir sur scène et d'être un canal pour le «geste rituel».

«Le théâtre, comme répète Artaud, c'est un espace magique qui peut nous approcher de ce qu'est vivre, de ce qu'est mourir», croit-il.

Il dit avoir vécu une expérience «grisante» qui change sa vision de la mise en scène puisque «la créativité se passe sur le plateau, ici maintenant».

Pertinence

Sa lecture d'Artaud, 2528 des 8517 pages de l'oeuvre complète, l'a convaincu de la pertinence de cette parole toujours forte et pertinente près de 70 ans après sa mort.

«J'avais l'impression que bien des choses avaient été écrites hier matin. Toute sa lucidité, son intelligence. [...] Certains passages sont d'une toxicité rare. Malgré tout, son internement, les électrochocs, ses passages mystiques et tout, le suicide n'est pas une option. Ce gars-là ne se tue pas.»

En conclusion, Christian Lapointe dit croire que le pouvoir de l'art, celui d'Artaud en tout cas, est de démontrer que «les artistes peuvent être des médecins de l'âme».